Voilà bientôt un an que Christian Gourcuff dirige l’Algérie, qui démarre les éliminatoires de la CAN 2017 contre les Seychelles, le 13 juin. L’occasion de dresser un premier bilan.
Du jeu, du jeu, et encore du jeu… Les charmes de l’Orient n’ont rien changé à la philosophie de Christian Gourcuff. A la tête de la sélection algérienne, le technicien français est en train d’imposer progressivement sa patte. Mais de gros points d’interrogation subsistent. Lors de son recrutement, il y a moins d’un an, l’objectif annoncé était de permettre à la jeune génération algérienne (25 ans de moyenne d’âge) de continuer à grandir. La CAN 2015, la CAN 2017 et le Mondial 2018 figuraient alors au programme avec l’ambition de reconquérir le trône africain comme nous le confiait alors le buteur maison, Islam Slimani: «On a déjà réussi à franchir le premier tour du Mondial 2014, mais il ne faut pas rester là-dessus. On doit confirmer nos qualités en allant chercher le sacre africain.»
Une défaite face au Qatar qui fait désordre
Après un Mondial exceptionnel qui l’avait vue franchir l’écueil du premier tour, et faire trembler l’Allemagne en huitièmes de finale, l’Algérie était attendue comme le favori en puissance de la CAN 2015. Les Fennecs sont passés, en partie, à travers, en réussissant tout juste à s’extirper d’un premier tour compliqué et relevé. Eliminé en quarts par la Côte d’Ivoire (3-1), Christian Gourcuff a découvert un autre monde. «En Afrique, il y a beaucoup de facteurs négatifs comme la chaleur, l’humidité et la qualité des pelouses. C’est devenu presque contre-nature pour des joueurs comme les Algériens qui évoluent exclusivement en Europe. Un grand travail attend Christian Gourcuff», analyse Rabah Madjer. Après un départ canon ponctué par cinq victoires lors des éliminatoires à la CAN en Guinée Equatoriale, la machine s’est peu à peu enrayée. A l’arrivée, le bilan chiffré de Gourcuff est mitigé avec huit succès, un nul en amical contre la Tunisie, et quatre défaites dont celle fatidique contre la Côté d’Ivoire (3-1), et une qui fait désordre contre le Qatar (1-0) pour la première nation africaine au classement FIFA (21e).
Une défense à revoir
En 4-3-3, et plus à l’aise en contre, l’Algérie de Vahid Halilhodzic s’est muée dans un faux 4-4-2 avec une grosse possession de balle. El-Khedra oscille entre le 4-4-2, le 4-4-1-1. Mais que l’on ne s’y trompe pas, c’est vers un 4-4-2 « dogmatique » que l’Algérie évolue. Un changement qui n’a pas encore été totalement assimilé par son effectif. L’animation défensive est le grand chantier de Gourcuff. A cause d’un axe central assez lent, l’Algérie touche aux limites de son 4-4-2. Bougherra en retraite, Halliche blessé, Belkalem intermittent en club, seul Carl Medjani a réussi sa saison. Le Français a testé le jeune joueur de l’USM Alger Chafai, sans réussite. A la recherche d’une nouvelle solution dans ce secteur, il vient d’appeler le polyvalent axial de l’ASM Oran Houcine Benyada (ASM Oran) et le champion de Tunisie avec le Club Africain, Hichem Belkaroui. En privé, le sélectionneur espère voir sa défense jouer plus haut tout en sécurité. Que ça soit face au Ghana (1-0) ou face à la Côté d’Ivoire (3-1) lors de la CAN 2015, l’Algérie a été prise à revers dans son dos. Hervé Renard nous l’avait d’ailleurs confirmé juste après la compétition : «L’Algérie a la meilleure équipe, mais son axe central est trop lent». Incriminer les seuls défenseurs centraux ne serait pas juste. Sur les côtés, comme lors du but face au Ghana (1-0), Faouzi Ghoulam reste trop offensif, et laisse Medjani (trop) souvent seul à devoir batailler. Les éliminatoires de la CAN 2017 sont le terrain de jeu idéal pour tenter de résoudre ce problème majeur. Jusqu’à présent, la sélection a encaissé 13 buts en 13 matches. Et ce n’est pas le manque de temps de jeu en club de M’Bolhi (Philadelphia Union, en MLS) qui peut rassurer…
Les indispensables du milieu
En revanche, dans le coeur du jeu, Christian Gourcuff a, semble-t-il, trouvé la bonne formule, et s’appuie sur des joueurs performants. Ils sont cinq pour quatre places, et devraient être rejoints par le prometteur Mehdi Abeid (22 ans, Newcastle). Sofiane Feghouli, en chef de meute, est accompagné par Spahir Taïder, Nabil Bentaleb, Riyad Mahrez, et Mehdi Lacen. Mise à part une CAN décevante où il a manqué de jus, le joueur de Valence a les épaules pour assurer le repli défensif, et se projeter vers l’avant à grande vitesse. Et Gourcuff en a fait un de ses hommes de base tout comme Bentaleb. En Guinée Equatoriale, le milieu relayeur de Tottenham a pris une autre envergure. Le joueur de Sassuolo, Saphir Taïder, a retrouvé aussi le sourire. Choix fort du Français, Riyad Mahrez a gagné des galons de titulaire. Il percute, distille des caviars, et marque (3 buts et 6 passes décisives en 13 sélections). Quant à Mehdi Lacen, en onze sélections avec Gourcuff, il a porté à cinq reprises le brassard de capitaine. «C’est un joueur que j’adore, il est clairement indispensable à la sélection par la qualité de ses transmissions, et sa technique», explique Mourad Meghni, son ancien coéquipier avec El-Khedra.
Les clés de l’équipe laissée à Brahimi
Reste l’attaque. Avec 22 buts inscrits en 13 matches, la moyenne de buts est pour l’heure en deçà des espérances du technicien breton. Des explications, il y en a. Le duo Soudani-Slimani, épatant avec Vahid Halilhodzic, a été en partie sacrifié. Le premier n’évolue plus sur le côté gauche, mais plutôt comme attaquant de pointe, ou plus souvent sur le banc. Le second, meilleur buteur maison, est beaucoup moins prolifique avec sa sélection dans le 4-4-2, et sa qualité de jeu de tête hors norme est pour le coup moins utilisée dans ce schéma. Sa moyenne a considérablement baissé avec El-Khedra: 2 buts en 9 sélections avec Gourcuff alors qu’il tournait quasiment à un but tous les deux matches avant l’arrivée de l’ancien entraîneur de Lorient. Son statut est désormais parfois contesté par Izhak Belfodil alors qu’avec le Sporting, il a été bien meilleur cette année. Christian Gourcuff croit beaucoup dans les qualités de l’ancien Lyonnais. Comme Feghouli, Yacine Brahimi n’a pas réussi sa CAN mais il a certainement fini son apprentissage de l’Afrique. Gourcuff l’adore et voit en lui la perle de sa sélection. Il lui a laissé les clés du camion. L’ancien Rennais a notamment laissé entrevoir tout son talent lors des éliminatoires de la CAN 2015, avant de baisser de régime. Pour le joueur du FC Porto, il va falloir désormais assumer son nouveau statut.
Un climat apaisé
Au sein du groupe, la gestion humaine du technicien français, plus souple que celle de Coach Vahid, est appréciée. Il a notamment réussi à pacifier les relations avec l’environnement médiatique alors qu’elles étaient orageuses avec son prédécesseur. Reste que certaines crispations se sont fait sentir chez les joueurs issus de la formation algérienne comme Djabou ou Soudani. Il a été reproché au Français de ne pas s’appuyer suffisamment sur les joueurs du crû comme l’avait fait avant lui le Bosnien avec Slimani, Soudani, Djabou et Belkalem, des titulaires performants au Mondial 2014. Car en Algérie, l’équilibre entre joueurs locaux et expatriés est essentiel. Christian Gourcuff, qui jouit de la confiance de la fédé, s’est toutefois investi en regroupant les joueurs locaux à plusieurs reprises. Le signe, ou la preuve, que Gourcuff entend faire adhérer un maximum à son projet de jeu.
Nabil Djellit