Cโest indiscutablement la chute du prix du pรฉtrole qui aura redonnรฉ de la voix au patronat algรฉrien ces derniers jours. Relance industrielle, stratรฉgie รฉconomique hors rente des hydrocarbures, les sujets sont ambitieux et portent sur le rรดle des investisseurs privรฉs dans le dรฉveloppement รฉconomique du pays.
En pole position sur le front de la rรฉforme, le Forum des chefs dโentreprise algรฉriens, le FCE, menรฉ depuis quelques mois par Ali Haddad qui lui a apportรฉ un nouveau mode opรฉratoire dans ses rapports aux pouvoirs publics. Plus dโinitiatives et dโautonomie, avec ร la clef, une intrusion dans les affaires de lโEtat qui ne plait pas ร tout le monde. Focus.
Des mois maintenant oรน il ne se passe pas une semaine sans quโun รฉvรฉnement ne fasse la une de la presse nationale au sujet des activitรฉs du Forum des chefs dโentreprise algรฉriens, le FCE.
Dรฉlรฉgations chez un ministre de la rรฉpublique, dรฉplacement vers un forum dans un pays รฉtranger et, nouveautรฉ source de controverse, des ambassadeurs en postes ร Alger et reรงus chez Ali Haddad, le golden boy des travaux publics, propulsรฉ ร la tรชte du FCE.
Ainsi, on apprenait avant-hier que pas moins de trois chancelleries avaient pris langue avec Haddad dont celle de lโAllemagne, la Grande-Bretagne et la Suisse selon le communiquรฉ de lโorganisation patronale.
Ces รฉchanges directs entre les diplomates et le patron du FCE ont portรฉ sur les liens dโaffaires entre les entreprises, dans un cadre bilatรฉral. En ce qui concerne lโAllemagne, Ali Haddad a dรฉclarรฉ que ยซ le forum รฉtait prรชt ร jouer le rรดle dโintermรฉdiaire et ลuvre ร intensifier la coopรฉration รฉconomique entre les deux pays ยป Son interlocuteur, lโambassadeur allemand rรฉtorquant par la classique formule de souhait dโun ยซ partenariat gagnant-gagnant ยป dont les Algรฉriens connaissent le son mais pas lโillustration.
Les discussions avec les deux autres reprรฉsentants de la Suisse et de la Grande-Bretagne allant dans le mรชme sens en รฉvoquant les secteurs dโactivitรฉs qui pourraient offrir des opportunitรฉs, en Algรฉrie, de partenariat.
Prestige et lobbying
A regarder de plus prรจs, le coup mรฉdiatique et prestigieux du syndicat des patrons recevant des ministres plรฉnipotentiaires nโimplique pas de nouvelles relations รฉconomiques entre les Etats. Et pour cause !
Des commissions mixtes sont ร lโลuvre depuis des lustres et le gouvernement algรฉrien nโa pas attendu Ali Haddad pour promouvoir le rapprochement des entreprises algรฉriennes avec ces pays candidats au partenariat.
A chaque fois quโun prรฉsident de la rรฉpublique รฉtranger se dรฉplace ร Alger, la dรฉlรฉgation qui lโaccompagne est souvent composรฉe de chefs dโentreprises qui rencontrent leurs ยซ homologues algรฉriens ยป.
Des forums รฉconomiques ร cet effet sont aussi rรฉguliรจrement organisรฉs par les institutions de lโEtat sans quโon ait attendu le truchement du FCE, devenu tout-puissant ces derniers temps dans un contexte de chute de la rentre pรฉtroliรจre. Tout porte ร croire, en effet, que les gouvernants affolรฉs par la crise des entrรฉes financiรจres aient choisi dโassocier dโautres acteurs dans la recherche de solutions.
Dรฉcision sage et louable ร condition que tous les acteurs de la vie รฉconomique soient associรฉs, toutes les organisations patronales reprรฉsentatives et non pas que le FCE, ainsi que les syndicats autonomes des travailleurs qui ont aussi leur mot ร dire, autant que la Centrale UGTA.
En ce sens, la tribune offerte au FCE ces derniรจres semaines ressemble ร une promotion prestigieuse susceptible de favoriser son lobbying.
Des revendications aussiโฆ
Toutefois, il serait injuste de balayer de la main les revendications intรฉressantes du FCE telles le rรฉamรฉnagement de la fiscalitรฉ, la crรฉation dโun fond dโinvestissement capable de soutenir les investisseurs, la rรฉvision de la politique du soutien des prix. A ce propos, le Forum dโAli Haddad reprend ร son compte la critique sur les subventions dรฉmagogiques de certains produits de base en demandant ร ce quโelles ne profitent quโaux dรฉmunis.
On sait ร ce sujet que les industriels, par exemple, peuvent profiter du litre de lait subventionnรฉ pour le transformer en yaourts ou autres dรฉrivรฉs, pour sโoctroyer une valeur ajoutรฉe pas toujours morale ! Par contre, le FCE exigerait lโouverture de ยซ tous les secteurs au privรฉ ยป alors que la rรฉalitรฉ algรฉrienne comporte une vulnรฉrabilitรฉ dans des secteurs sensibles et stratรฉgiques, ร lโinstar du transport aรฉrien dont les vellรฉitรฉs dโouverture a provoquรฉ une polรฉmique rรฉvรฉlatrice.
La montรฉe au crรฉneau de lโorganisation patronale mรฉrite donc un examen consciencieux de la part des pouvoirs publics et une rรฉponse des autres acteurs du dรฉveloppement รฉconomique. Sans quoi, les Algรฉriens risquent de regretter lโomniscience et lโomnipotence pourtant parfois dรฉsastreuse des gouvernants.