Les deux formations politiques qui ont réalisé leurs meilleures performances dans leurs bastions historiques n’ont pas empêché la percée effectuée par les listes partisanes ou indépendantes.
Terminé le règne sans partage. La Kabylie frondeuse et rebelle tend ses bras timidement, mais irrésistiblement aux partis qui n’y avaient pas «pignon sur rue». Le FFS et le RCD reculent dans leurs fiefs traditionnels. Les deux formations politiques qui ont réalisé leurs meilleures performances dans leurs bastions historiques lors du scrutin du 4 mai n’ont pas empêché la percée effectuée par les listes partisanes ou indépendantes. La Kabylie perd-elle ses repères?
Fondamentalement certainement pas. Il faut reconnaître cependant que bien des facteurs ont fait leur irruption pour dessiner une nouvelle cartographie politique. A commencer par le combat identitaire qui a été le fer de lance, le leitmotiv, qui rassemblait sans coup férir autour du Front des Forces socialistes et du Rassemblement pour la culture et la démocratie. Une revendication qui a baissé d’intensité depuis la constitutionnalisation de tamazight. Avant d’en arriver à ce constat il faut rappeler les deux partis non moins rivaux qui avaient assis leur suprématie sur la région et avaient raflé (dans une égalité parfaite) la majorité des sièges à Tizi Ouzou (14) et à Béjaïa (12) pour totaliser près de 40 sièges au niveau national lors des législatives de 1997. Les choses se sont compliquées lors de celles de 2002 précédées par les événements du printemps noir qui ont endeuillé la région. Ce qui a conduit les deux partis à trancher en faveur du boycott alors que le RCD qui avait fait son entrée au gouvernement en claquait la porte. Une expérience qu’il trainera comme une compromission aux yeux d’une région qui dans son ensemble faisait figure de bastion rebelle aux partis majoritaires à l’APN (FLN, RND) et qui se sont alternativement succédé à la tête du gouvernement. Cet événement (le printemps noir) sera à l’origine du nouveau visage que présentera la Kabylie. Les kidnappings d’entrepreneurs, les demandes de rançon céderont la place aux rapts d’enfants qui connaîtront pour certains des dénouements tragiques. L’enlèvement de la petite Nihal à l’été 2016 puis froidement assassinée par ses ravisseurs traumatisera le pays. Cela deviendra malheureusement monnaie courante. Dans le même temps les groupes terroristes feront des maquis kabyles leurs bases arrières. La population leur opposera une résistance farouche. Le FFS et le RCD devront désormais composer avec cette donne inattendue. En 2007 le parti de l’emblématique Hocine Ait Ahmed boudera les législatives, celui du charismatique Said Sadi n’en profitera pas réellement. Il enlèvera toutefois 19 sièges au niveau national. Il s’abstiendra à nouveau en 2012 tandis que le plus vieux parti d’opposition entrera en lice pour rafler pas moins de 26 sièges. Ce qui positionnera le FFS comme 4ème force politique derrière le FLN, le RND, et l’Alliance verte formée de partis islamistes. Un rang qu’il n’arrivera pas à conserver en 2017 en n’enlevant que 14 sièges. Le RCD ne fera guère mieux: 9 sièges. La stratégie de la chaise vide qu’alterneront les formations du président défunt Ait Ahmed et celle de l’ex-président Sadi auront incontestablement ouvert une brèche aux partis traditionnels et à des listes indépendantes constituées de dissidents. Le retard en matière de développement qui caractérise la région les fragilisera davantage. Ce qui a rendu incontestablement la compétition plus ouverte. A leurs dépens. Le scrutin du 4 mai a rendu son verdict. Si à Tizi Ouzou le RCD et le FFS sont au coude-à-coude (4 sièges chacun), le parti de Mohcen Belabbas est supplanté par son vieux rival de toujours à Béjaïa (4 sièges contre 2 selon les derniers résultats) alors que le FLN fait jeu égal avec lui. Des signes annonciateurs de futures âpres batailles électorales en terre kabyle.
Le FFS et le RCD devront sortir «l’artillerie lourde» pour conserver leur citadelle.