Chaque jour des centaines de milliers d’automobilistes sont avertis de la présence du moindre radar sur la route grâce à des pages Facebook mise à jour par d’autres internautes. Une pratique contre laquelle le procureur de la République de Rodez (Aveyron) a décidé de s’élever : un procès inédit s’ouvre ainsi mardi 9 septembre contre l’une de ces pages « antiradars ».
Quinze personnes comparaissent devant le tribunal correctionnel pour s’être « soustraites à la constatation des infractions routières ». Huit prévenus sont également poursuivis pour « outrages », après avoir qualifié les gendarmes sur la page Facebook de noms parfois peu amènes.
« J’ai décidé de réprimer les gens qui cherchent à échapper à la loi », expliquait le procureur de la République à Rodez (Aveyron), Yves Delpérié. « Je suis réveillé toutes les nuits, car des gens se tuent sur la route. C’est lamentable que certains préviennent de l’installation des radars », expliquait-il récemment à la presse locale.
ENTRE 600 000 ET 800 000 MEMBRES
« Tu vois une camionnette bleue, un radar, des motards… viens le signaler. » Se revendiquant comme « le seul groupe utile » sur Facebook, la page « qui te dit où est la police en Aveyron », comme elle s’appelle, compte plus de 10 000 membres. Créé en 2012, le groupe assure ne « nuire en aucun cas aux forces de l’ordre ». Les messages sur des « “poulets” au rond-point… » y côtoient des « attention test alcoolémie », mais aussi des avertissements sur des bouchons ou des accidents. Les groupes du genre sont légion. Ils réunissent « entre 600 000 et 800 000 membres sur Facebook », assure l’avocat Rémy Josseaume, expert en droit automobile et avocat de neuf des prévenus, pour lequel aucune loi n’est violée.
Certes, l’article R 413-15 interdit les « détecteurs de radars » et prévoit une amende de 1 500 euros et un retrait de 6 points sur le permis. Mais, selon l’avocat, le groupe sur Facebook ne peut pas être assimilé à un « détecteur de radars ». Le Conseil d’Etat avait d’ailleurs été saisi de la question en mars 2013 et avait autorisé « les solutions d’aide à la conduite », ce à quoi s’apparente le groupe de Facebook, selon Me Josseaume.
« HYPOCRISIE »
Si on poursuit ce groupe en Aveyron, poursuit l’avocat, « pourquoi ne pas poursuivre les pages Facebook des gendarmes qui annoncent les contrôles ou le magazine Autoplus », qui donne une carte des radars fixes et mobiles ? Déjà, la justice avait décidé de ne pas interdire les appels de phare signalant la présence des gendarmes, rappelle Me Josseaume, qui parle d’« hypocrisie ».
Les associations pour la sécurité routière y voient, elles, un dangereux instrument, soulignant que le département de l’Aveyron est un des champions de l’insécurité routière en France. En 2013, le nombre de tués y a bondi de 126 % (34 morts, contre 15 en 2012), alors que l’ensemble de la France a connu une baisse de plus de 10 %. « Il faudra bien qu’un jour on se prenne par la main pour que tout ça soit interdit », affirme Christiane Poinsot, présidente de la Ligue contre la violence routière dans l’Aveyron.