FOOTBALL – C’était la grande affaire de la semaine : Nabil Fekir, révélation de la saison en Ligue 1, allait-il privilégier l’équipe de France ou celle d’Algérie ? Après moult revirements, le joueur aurait finalement choisi les Bleus… selon l’Olympique lyonnais. Mais tout porte a croire que cette décision est plus celle de son club que la sienne. Décryptage d’une épineuse situation.
« Nabil m’a appelé et il m’a dit qu’il avait changé d’avis, qu’il restait pour l’équipe de France. C’est son choix. On n’a rien fait pour le pousser. » On n’est pas obligé de croire Bernard Lacombe, le conseiller de Jean-Michel Aulas, le président de l’OL, qui tenait ces propos catégoriques dimanche soir sur RMC. Quelques minutes auparavant, Nabil Fekir, 21 ans, venait d’inscrire un doublé, ponctuant une prestation de grande classe à Montpellier (victoire 1-5). Vendredi matin, le patron de la Fédération algérienne, Mohamed Raouraoua, assurait pourtant que la pépite de 21 ans avait opté pour les Fennecs, prenant lui-même l’initiative d’appeler le sélectionneur Christian Gourcuff. Le joueur, lui, n’a confirmé aucune de ces déclarations. Et pour cause…
« Je donnerai ma position avant la fin du mois de mars, il est donc trop tôt pour dire quoi que ce soit », écrivait-il sur sa page Facebook vendredi soir. Sauf que rien ne l’oblige à se décider si vite. Un footballeur peut changer de sélection tant qu’il n’a pas disputé un match en compétition officielle. Dans le cas de la France, il n’y en aura pas un seul avant l’Euro 2016 dans nos contrées, les Bleus étant qualifiés d’office. Ce qui signifie que quelques capes sous le maillot tricolore ne l’empêcheraient même pas de choisir l’Algérie ensuite. Alors, pourquoi ne pas laisser les choses se faire ?
« Nabil Fekir est en renégociations de contrat avec l’OL »
« Des sélections en équipe de France augmentent la valeur du joueur en vue d’une revente. Surtout, cela lui éviterait de partir à la CAN, ce qui est un gros problème pour les clubs aujourd’hui. Les internationaux africains partent au beau milieu de l’hiver au moment où on a le plus besoin d’eux. C’est en ce sens que l’OL fait pression », nous assure un agent connaisseur du dossier. Également joint par metronews, Sidney Broutinovski, fondateur de l’École des agents de joueurs de football (EAJF), ajoute : « Pour bien connaître le fonctionnement de l’OL, je sais qu’Aulas est très paternaliste avec ses jeunes. Il a une vision à long terme et, pour Fekir, il pense que l’équipe de France lui offrira une progression plus cadrée qu’avec l’Algérie. Après, c’est au joueur de décider. »
La Fédé algérienne n’a toutefois pas manqué de remarquer que, lorsque le joueur a démenti avoir choisi les Fennecs, il l’a annoncé via le site officiel de l’OL. Une bizarrerie à l’heure où les réseaux sociaux offrent de nombreuses manières de communiquer en son seul nom. Notons d’ailleurs que Nabil Fekir a ouvert son compte Twitter et sa page Facebook il y a seulement deux mois, soit bien plus tard que des joueurs bien moins célèbres. Et qu’il ne s’en sert pas pour gérer sa comm’, ce qui corrobore la théorie d’une pression de son employeur. « Il est en renégociations de contrat, précise notre agent. L’OL pouvait effectivement le conseiller, mais de là à le faire changer d’avis… Il s’est sans doute laissé manipuler et c’est dommage. Parce que ce n’était peut-être pas son premier choix. »
Un garçon en manque de conseils
Pourtant, les performances du jeune homme cette saison le placent en position de force. S’il avait pris sa décision, son club n’aurait rien pu y faire. C’est donc son hésitation qui interpelle, alors que son père s’est exprimé de nombreuses fois dans les médias, expliquant que ce sera l’Algérie et rien d’autre. Avant que l’on apprenne que le joueur a viré son agent… « S’il s’est séparé de lui, c’est que ça n’allait plus mais il devrait rapidement en trouver un autre pour éviter tout débordement de son entourage. Aujourd’hui, un père de footballeur n’a pas à prendre la parole pour évoquer l’avenir sportif de son fils. C’est trop passionné, trop risqué », estime Broutinovski.
« C’est un cas classique dans le foot : avant qu’il explose, ce n’était pas grave qu’il ait un agent mais maintenant, l’entourage n’a plus envie de partager le gâteau. Va-t-il se rendre compte qu’il lui faut de l’aide pour gérer sa communication dans un moment pareil ? Il est en train de se griller. », enfonce un autre agent. En effet, en disant qu’il veut l’équipe de France, il se met une pression considérable, car il aurait encore moins le droit de se manquer qu’un autre. Mais, s’il continue de ne pas choisir, cela risque de fâcher les Algériens. En l’occurrence, tout est donc dans la manière de l’annoncer. Et Nabil Fekir n’est qu’un enfant perdu entre son père et son employeur. Une proie. Selon nos informations, Jean-Pierre Bernès lui aurait récemment téléphoné, lui assurant qu’il pouvait faire en sorte que Didier Deschamps le fasse jouer. Mais il n’était pas obligé de le croire.