Alors que l’avenir économique est aux cœurs des débats de bons nombres d’Algériens, les pouvoirs publics ont raté lors de la conférence nationale sur le développement économique et social une occasion historique de joindre les actes aux mots, en mettant en avant des propositions concrètes, avec un calendrier précis de réformes permettant de développer de nouveaux secteurs, de créer de la croissance et d’améliorer le climat des affaires.
Ne répondant pas aux attentes liées à l’urgence de la situation, les pouvoirs publics ont encore une fois perdu l’occasion d’apporter un gage de crédibilité à leurs actions, en rassurant de facto non seulement bon nombre de citoyen pessimiste sur notre capacité de donner un avenir à nos enfants, mais aussi la communauté internationale.
Je ne suis pas de ceux qui pensent que l’économie Algérienne est un cas désespéré, car nous disposant malgré tous de nombreux atouts, mais sans réformes ces avantages ne serviront à rien.
Avec les réformes nous pourrons redonner confiance en l’avenir de l’Algérie, non seulement aux investisseurs mais aussi à une bonne partie des citoyens.
Nous devons donc, nous engager dans des réformes structurelles importantes comme la reforme de l’état, la gestion des dépenses publiques, l’enseignement supérieur, la formation, etc.
Face au contre-choc pétrolier actuel, nous devons donner aussi un signale rapide et fort en faisant évoluer considérablement notre législation financière, commerciale et sociale en la simplifiant et en la modernisant; nous pouvons donc mettre en œuvre des réformes simples et véloces comme.
1-Mieux protéger les entreprises Algérienne : l’Algérie a mis en place un début de protectionnisme national aux travers de l’Article 23 du code des marchés publiques qui permet à une entreprise de droit algérien détenue majoritairement par des résidents Algériens d’avoir une marge préférentielle de 25% par rapport à ses concurrents étrangers.
Cet avantage reste une bonne initiative, ces effets quant à eux restent très limités dans l’ensemble car il ne bénéficie qu’à des entreprises publiques et privées qui disposent des technologies et de l’expertise nécessaire.
Afin d’améliorer l’efficacité de la loi, nous proposons d’une part, de supprimer la disposition qui impose un capital majoritairement détenu par un Algérien résident. Et d’autres part, introduire comme aux Etats-Unis un mécanisme de protectionnisme « American Job Act » dans le but d’obliger la commande publique à acheter des produits locaux dans les domaines où nous disposant de savoirs.
En complément, nous devons mettre en place des mécanismes afin de favoriser les productions nationales de biens et de services à travers une taxe sur les produits importés destinés à la revente en l’état. Cette taxe de l’ordre d’au moins 5 % serait prélevée lors de l’ouverture de Credoc ou de remise documentaire afin de financer des projets de ré-industrialisation du pays aux travers de subventions ou de crédits à taux zéro.
Ce mécanisme à hauteur d’environs 1 milliard de dollar permettrait de créer une barrière à l’entrée sans toucher aux accords douaniers, d’inciter des investisseur à produire tous aux parties des produits localement, de créer de nouveaux secteurs en Algérie, de stopper la progression des importations et de créer des emplois.
2- Ré-attirer les investissements directs étrangers :
La loi 51/49 sur les investissements étrangers est décrié par les uns comme contreproductive et dissuasive à l’investissement, et soutenu par une minorité comme une mesure de protectionnisme national. Malheureusement, cette loi n’est pas un dispositif faisant partie d’une une stratégie en faveur de l’économie national, mais plutôt une réponse à la revente des cimenteries par Orascom à Lafarge qui a réalisé une belle plus-value alors qu’il avait bénéficié de facilitations à l’investissement.
Aujourd’hui les IDE en Algérie sont passés de 2,9 milliards de dollars en 2009 à 1,7 milliard en 2013 quand le Maroc réalise 3,5 milliards selon le CNUCED.
Compte tenu de la situation de notre industrie qui ne représente que 5% du PIB, et des réserves de changes qui baisseront avec la l’effondrement des cours ; Il sera préférable d’avoir un investisseur étrangers qui créer des emplois, augmente la richesse nationale, transfert une partie de sa technologie et génère des taxes, plutôt qu’importer le même produit d’un autre pays.
Pour ces raisons, nous proposons une suppression totale de cette loi (sauf pour l’énergie et les mines), avec le remplacement de celle-ci par un décret qui soumet la vente d’un certain nombre d’investissements étrangers en Algérie à l’autorisation du gouvernement.
Nous préconisons aussi d’instaurer une réglementation obligeant les opérateurs coupables d’abus de droit, de payer des amendes allant jusqu’à la totalité de la plus-value avec des intérêts.
3-Améliorer la solvabilité de nos entreprises: Les délais de paiement sont souvent de 60 jours et s’accumulent presque quasi systématiquement avec des retards de paiement pouvant atteindre plusieurs mois dans le secteur public. Cette situation plombe de plus en plus d’entreprises surtout au sein des PMI/PME qui disposent d’une trésorerie très limitée. Bien qu’il soit impossible de quantifier l’impact économique des retards de paiements sur la défaillance d’entreprises ou sur le manque d’investissement faute de trésorerie, il est certain qu’ils constituent un frein aux développements surtout dans un contexte d’accès difficile au prêt.
Comme dans de nombreux pays, l’Algérie doit mettre en place une réglementation instaurant un délai maximal de 60 jours, sous peine d’amende pécuniaire dissuasive.
4- Faciliter la création d’entreprise : les démarches de créations d’entreprises sont lourdes à cause du nombre de documents à fournir et des délais de traitement. Cela constitue l’un des principaux facteurs qui expliquent la faiblesse du tissu des PME /PMI.
En effet, les créateurs d’entreprises sont confrontés à une multitude de documents, souvent identiques, à fournir au registre du commerce, aux impôts, à la CNAS ou à d’autres services dans le cadre de profession réglementée.
Nous proposons de créer un guichet unique dédié à la création d’entreprise, qui permettra de constituer l’ensemble du dossier par Internet (avec un support physique si nécessaire dans les CNRC), puis charger cette administration de s’occuper des démarches administratives envers les autres administrations.
Cette méthode permettra la création d’entreprise à distance, de constituer un fichier unique utilisable pour l’ensemble des administrations, de fiabiliser l’information, de désengorger les administrations et de gagner en productivité (délais et coûts).
5- mieux lutter contre la contrefaçon: Malgré un dispositif réglementaire protégeant les droits de propriété intellectuelle, la contrefaçon a pris une ampleur phénoménale en Algérie touchant environs 60% des produits importés destinés à la revente en l’état et ceux-ci, dans l’ensemble des secteurs sans aucune distinction. Aujourd’hui, ce phénomène dissuade les investisseurs et pénalise le peu d’entreprise industrielle locale.
Malgré les avertissements du DG des Douanes en 2011, les pouvoirs publics restent malheureusement inactifs, et ceux-ci malgré qu’ils soient conscients des dangers que représente la contrefaçon en matière économique et sur la sécurité des consommateurs.
Dans le but de lutter contre ce fléau des réformes peuvent être prises comme : Augmenter les délais de rétention des marchandises contrefaites de 3 à 10 jours, Augmenter les amendes pécuniaires en mettant en place un régime d’évaluation des préjudices dissuasifs, mettre en place des chambres spécialisées dans les tribunaux, créer un observatoire de la contrefaçon, mettre en place une base de données communes pour améliorer l’échanges d’information et surtout mieux sensibiliser le citoyen.
Ces solutions n’éradiqueront pas ce phénomène, mais contribueront, à baisser de façon sensible l’impact négatif sur notre économie et surtout à dé-marginaliser le pays qui est classé 114ème /144 selon le World Economic Forum.
6–Moderniser le système bancaire : Priorité de nombreux gouvernements depuis plusieurs décennies, le système bancaire Algérien reste parmi les moins développés au monde comme en témoignent le consommateur Algérien et les nombreux classements internationaux. Celui-ci compte 28 banques (dont 8 publiques) se composant de banque généraliste comme de banque spécialiste. Bien que diversifiée, la banque souffre des mêmes maux que de nombreux secteurs notamment en matière de qualité de services, de ressources humaines, de faiblesse financière des banques publiques (financées par le trésor), un taux de bancarisation faible, un défaut d’informatisation et de contrôle dans certaines banques, peu de développement des moyens de paiements (C.B, chèque, Paypal, etc.), un manque de produits financiers (couvertures de changes, produits dérivés, etc.), un coût excessif de certaines opérations, une absence de transparence dans leurs politiques de prix, des marchés publics réservés aux banques publiques et surtout une carence dans le financement des entreprises malgré des liquidités très importantes.
Pour réussir le développement économique, les pouvoirs publics doivent procéder à des réformes tels que: la privatisation des banques publiques ou l’ouvertures partielle au capital, voire la concentration de celle-ci, la modernisation des systèmes informatiques, la facilitation des transactions bancaires, la mise à niveau du cadre réglementaire notamment en matière de couverture de risques, l’amélioration de la transparence, la suppression de l’encadrement du crédit, la mise en place d’un outil au niveau de la banque centrale pour mieux contrôler les situations de surendettement, et trouver des outils afin d’inciter les banques privées à financer l’économie et particulièrement les PME/PMI.
7– Assouplir la politique de changes : La non convertibilité du dinar favorise directement la création du marché parallèle de devises sur l’ensemble du territoire et engendre non seulement des pertes pour toute l’économie mais aussi la perte du pouvoir monétaire de l’Etat.
Bien que les pouvoirs publics aient tenté d’éradiquer le phénomène par des textes réglementant l’activité des bureaux de change, le résultat est resté sans effet ; pire encore, le dinar sur le marché parallèle n’a pas cessé de se déprécier.
A l’image des nos voisins, l’Algérie doit réfléchir à une convertibilité à minima équivalente, en instaurant la convertibilité du dinar plus particulièrement sur les opérations courantes des entreprises, afin de leur permettre de négocier le dénouement de leurs opérations à l’internationale, tout en se couvrant contre le risque de change grâce aux banques.
Cette libéralisation doit s’accompagner de simplification des procédures et de la règlementation régissant les opérations de commerce extérieur.
En complément, le pays doit mettre en œuvre des dispositions sur l’alignement du plafond d’allocation touristique au niveau de nos voisins à 3 500€ contre 140€ aujourd’hui.
De plus, nous devons mettre en œuvre une vrai réglementation qui permet aux sociétés Algériennes l’acquisition d’entreprises ou de technologie étrangères quels que soient leurs activités, qu’elle exporte déjà ou pas et de pouvoir investir dans les pays indispensables à leurs développements à l’exception des paradis fiscaux.
8– Reformer le code du travail : Le code du travail est décrié par la majorité des entrepreneurs pour sa rigidité. Cette affirmation se retrouve dans les discours des entrepreneurs mais aussi dans les classements internationaux. Pire encore « la prolifération du travail au noir est due partiellement, par la rigidité de la législation du travail », selon de nombreux, experts en ressources humaines.
Adapter les codes du travail doit faire partie des priorités du pays ; l’adaptation de celui-ci permettra non seulement de répondre aux exigences d’une économie moderne, mais aussi de favoriser l’investissement. De plus, la modernisation de celui-ci combinée à la formation permettra de répondre aux exigences de polyvalence et de changement d’emploi qu’impose le monde moderne.
Pour cela nous préconisons d’améliorer l’attractivité du marché du travail en accordant plus de protection sociale « flexisécurité » en cas de perte d’emploi ; on doit introduire les dispositions suivantes : l’annualisation du temps de travail, la rupture conventionnelle du contrat de travail, la création de contrats comme le CDD d’usage pour certains secteurs (BTP, Tourisme, Agriculture, Etc..) mais aussi l’intérim et le contrat de chantier en limitant la durée pour éviter de précariser l’emplois.
Par ailleurs la flexibilité ne doit pas être qu’au détriment des travailleurs, il faut donc supprimer les distorsions sur le régime d’allocation chômage (CNAC) entre les contrats précaires et les CDI, introduire des dommages et intérêts minimum pour les salariés qui subissent le travail informel ou des retards importants de paiement de leurs salaires et augmenter les amandes pour le non respect du droit du travail qui date de 1990 afin de les rendre plus dissuasives.
En complément des points précédents, nous devons aussi agir sur la structure des dépenses budgétaires. Face à la baisse des cours du baril la restructuration des dépenses de l’état est primordiale ; nous devons contenir les transferts non essentiels et redéployer ces ressources vers des investissements qui permettront de créer des nouveaux secteurs élèvent de facto la croissance. Le succès des scandinaves pour surmonter leur crise financière au début des années 1990 c’est réalisé essentiellement en ciblant ces dépenses pour les adapter à un projet industriel.
Une meilleure gouvernance sur l’ensemble des sujets conditionne la réussite de la transition économique et permettra au pays de disposer d’avantages comparatifs par rapport à ses concurrents en améliorant sa productivité.
Benadda Yassine
Expert en Finance et en Business international