Aprรจs deux participations de suite en Coupe du monde durant les annรฉes 1980 (1982 et 1986), les premiรจres du genre pour lโAlgรฉrie, la sรฉlection nationale de football a dรป attendre 24 longues annรฉes pour enchaรฎner avec deux nouvelles apparitions au plus grand รฉvรฉnement footballistique de la planรจte, en dรฉcrochant une quatriรจme participation, lโรฉtรฉ prochain, au Mondial quโorganise le pays du football et de la samba, quatre ans aprรจs avoir renouรฉ avec la compรฉtition mondiale, en Afrique du Sud.
Toutefois, aussi paradoxal que cela puisse paraรฎtre, lโAlgรฉrie, qui commence ร devenir une habituรฉe de la Coupe du monde avec cette seconde participation de suite, est loin dโavoir un championnat relevรฉ qui expliquerait cette seconde qualification de suite.
En effet, depuis que les Verts ont renouรฉ avec la Coupe du monde en se qualifiant pour le Mondial sud-africain, on sโattendait ร un vรฉritable boom du football au niveau national, comme cela sโest produit dโailleurs un peu partout dans le monde.
Hรฉlas, cโest loin dโรชtre le cas pour ce qui est de notre championnat qui, malgrรฉ deux qualifications de suite au Mondial, le niveau ne cesse de rรฉgresser dโannรฉe en annรฉe. Et ce nโest pas lโinstauration du professionnalisme, qui en est ร sa quatriรจme annรฉe qui changera grand-chose, avec un championnat dโun niveau mรฉdiocre et des clubs ร la traรฎne ร lโรฉchelle continentale.
Un vรฉritable dilemme, mais du reste pas aussi รฉtrange que cela, ร en croire les techniciens et spรฉcialistes interrogรฉs sur le sujet, qui avanceront des explications rationnelles, dont celle qui revient le plus souvent, ร savoir que cette sรฉlection est loin de reprรฉsenter le football du cru, en passant par dโautres arguments et paramรจtres, dont les ingrรฉdients ยซnaturelsยป de toute rรฉussite abandonnรฉe par ceux-lร mรชmes qui sont censรฉs donner les jalons dโun renouveau au football national et dont la faillite ne peut รชtre รฉclipsรฉe par une ยซsimpleยป qualification pour un un Mondial.
Une รฉquipe Nationale non reprรฉsentative
Pour comprendre le pourquoi et le comment de la rรฉussite de la sรฉlection nationale qui enchaรฎne avec une seconde qualification pour le Mondial, au moment oรน le football national vit ses pires moments depuis lโindรฉpendance, il faudra se pencher sur la composante mรชme de cette sรฉlection.
En effet, pour beaucoup de spรฉcialistes, la sรฉlection nationale est loin de reprรฉsenter le football du cru, pour la simple raison que nos capรฉs sont pour la plupart issus de lโรฉmigration et non du championnat local. Plus de 90% des รฉlรฉments ayant participรฉ aux deux conquรชtes mondiales de 2010 et 2014 sont issus de lโรฉmigration. Soit des joueurs formรฉs ร lโรฉtranger et plus particuliรจrement dans les centres de formation franรงais.ย De ce fait, la qualification des Vertsย ย est le fruit de jeunes joueurs talentueux formรฉs ร lโรฉtranger et qui ne connaissent pas, pour la plupart, le football national et ses diffรฉrents championnats, donc non formรฉs en Algรฉrie. Une รฉquipe de ยซFrance-bisยป comme aiment dโailleurs ร lโappeler certains, mรชme si cela dรฉrange avec un terme ยซFrance-bisยป quโils considรจrent comme pรฉjoratif, mais qui reprรฉsente bien nos binationaux, formรฉs en France et ayant mรชme portรฉ le maillot tricolore chez les jeunes catรฉgories, ร lโimage des Yebda et Meghni, et plus rรฉcemment Brahimi et Belfodil, pour ne citer que ceux-lร . Un รฉtat de fait qui renseigne bien que lโAlgรฉrie du football nโest pas la formatrice de ces deux gรฉnรฉrations de footballeurs qui ont menรฉ la sรฉlection ร deux coupes du monde de suite.
Quatre annรฉes de ยซfaux-professionnalismeยป
De nombreux techniciens et spรฉcialistes sollicitรฉs sont donc unanimes pour dire que la sรฉlection nationale ne doit ses deux qualifications de suite au Mondial quโร lโapport de ces jeunes binationaux formรฉs en France en majoritรฉ et qui ont choisi de porter, pour une raison ou une autre, le maillot des Verts.
Une raison rationnelle, logique et pragmatique, qui explique dโune part cette absence dโimpact de ces qualifications sur le niveau de notre championnat, et de lโautre, remet sur le tapis la problรฉmatique de la formation dans notre pays, abandonnรฉe par la plupart de nos clubs, notamment les plus huppรฉs qui ont dignement reprรฉsentรฉ lโAlgรฉrie ร lโรฉchelle continentale, ร lโimage du MCA, de la JSK et de lโES Sรฉtif.
Nos clubs ne forment plus, cโest un fait avรฉrรฉ et ce nโest pas lโavรจnement du professionnalisme ยซimposรฉยป depuis quatre ans qui changera grand-chose tant quโil nโy a de professionnalisme dans notre championnat que lโappellation.
Un professionnalisme qui a ignorรฉ lโessence mรชme du football, en lโoccurrence la formation des jeunes, oรน certaines รฉquipes se sont carrรฉment passรฉes de leurs plus jeunes catรฉgories (lโรฉcole pรฉpiniรจre, benjamines et minimes), alors que pour ceux qui en disposent, elles sont totalement ร lโabandon avec dโรฉnormes soucis ร tous les niveaux.
Un professionnalisme qui ne se distingue que par les salaires faramineux accordรฉs par certains clubs ร une majoritรฉ de joueurs qui ne peuvent mรชme pas se targuer dโavoir le statut dโinternational et dont le niveau constatรฉ de visu sur le terrain laisse ร dรฉsirer.
De ce fait, il nโy a pas lieu de sโรฉtonner de voir la sรฉlection dominรฉe par des binationaux, lโarbre qui cache la forรชt et cette dรฉgringolade du football ร lโรฉchelle nationale en lโabsence de toute rรฉelle initiative et de volontรฉ politique pour y remรฉdier. ย
Absences de nos clubs sur la scรจne Africaine, le vรฉritable baromรจtre
Pour jauger du vรฉritable niveau de nos clubs et des joueurs du cru, et expliquer sa non-reprรฉsentativitรฉ en sรฉlection nationale, il faudra se rรฉfรฉrer ร la participation de nos formations dans les diffรฉrentes compรฉtitions africaines.
A ce propos, cโest la grande dรฉsillusion : les clubs algรฉriens nโarrivent plus ร sโimposer ร lโรฉchelle continentale avec une derniรจre consรฉcration ร ce niveau qui remonte ร lโan 2002 quand la JSK avait rรฉussi ร accrocher sa troisiรจme Coupe de la CAF de suite.
Mais depuis, ces 12 annรฉes de disette oรน aucun de nos clubs formรฉs de joueurs du cru nโa rรฉussi ร accrocher un titre africain, dรฉnotant la faiblesse de nos formations comparativement ร leurs homologues africaines et, par ricochet, du niveau du joueur algรฉrien.
A titre comparatif, cela nโรฉtait pas le cas durant les annรฉes 1970, 1980 et 1990, quand nos clubs รฉtaient les plus craints du continent. Et les titres accrochรฉs par le MCA et lโESS, mais surtout par la JSK, cette derniรจre qui en est ร six trophรฉes africains, en sont la parfaite illustration. Des clubs qui ont formรฉ de grands joueurs qui ont offert ces trophรฉes africains, et qui ont par la suite contribuรฉ grandement aux deux premiรจres qualifications des Verts au Mondial de 1982 et 1986, et ร lโunique titre continental (1990) une sรฉlection nationale formรฉe ร lโรฉpoque, pour rappel, en majoritรฉ par les รฉlรฉments du cru.
La formation, le talon dโAchille
Cโest sans รฉquivoque pour les techniciens et les spรฉcialistes en la matiรจre qui, en guise de conclusion, estiment que tout est une histoire de formation, malgrรฉ le fait que les talents existent, mais qui, sans formation adรฉquate, et surtout une vรฉritable rรฉforme du sport et une volontรฉ politique certaine, comme cโรฉtait le cas durant la rรฉforme sportive des annรฉes 1970, il ne faudra pas sโattendre ร voir un impact sur lโรฉchelle nationale, avec une sรฉlection loin de la reprรฉsenter.
Jouer un Mondial cโest bien, mais sans formation au niveau local, il ne faudra pas se leurrer et espรฉrer quโune qualification ร une Coupe du monde puisse donner des dividendes au niveau national. Et tant quโil en sera ainsi, cโest-ร -dire tant que les responsables du sport-roi sโautosuffissent en rรฉcupรฉrant ยซun produit fini dโoutre-merยป, pour reprendre lโexpression dโun technicien, il ne faut pas sโattendre ร voir le football national sortir de sa lรฉthargie, mรชme avec des qualifications rรฉguliรจres pour la Coupe du monde.
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