On connaît à peu près les accusés dans l’affaire de l’autoroute Est-Ouest, mais aussi le résultat des premières plaidoiries qui ont eu lieu hier au tribunal d’Alger. Cependant, il est presque impossible de calculer avec exactitude le coût du projet depuis son départ de Tlemcen à son arrivée à Annaba.
Au départ, les études ont donné lieu à une estimation ficelée de 7 milliards de dollars. Au final, alors que le projet n’est pas encore arrivé à bon port, souffrant même d’une multitude de malfaçons et de surcoûts, les estimations des coûts globaux, ceux initiaux, additionnés aux différents surcoûts, de surcroît imprévus, tournent autour de 12 milliards de dollars actuellement. Certains experts, qui se sont appliqués à user de leurs calculettes pour tenter de parvenir à des estimations, dont Abderrahmane Mebtoul, universitaire, estiment que le coût de revient de l’autoroute Est-Ouest est supérieur de 20 à 25% par rapport aux normes internationales, main-d’œuvre, utilités, matières premières, frais d’expropriation compris.
Mais contre toute attente c’est le ministre du secteur, Abdelkader Kadi, qui annonce que le coût global de l’autoroute Est-Ouest est estimé à 13 milliards de dollars. Le ministre des Travaux publics a indiqué que le coût du km est estimé à 1 milliard de dinars rappelant que cette infrastructure s’étendait sur 1 216 km allant des frontières tunisiennes aux frontières marocaines. Le ministre a souligné à titre de comparaison que la moyenne du coût de réalisation du km en France variait entre 8,8 et 22 millions d’euros alors qu’en Espagne elle oscillait entre 7,8 et 17,5 millions d’euros. En Suisse elle peut atteindre les 45 millions d’euros, a-t-il ajouté. Une chose est sûre, il y a eu des surcoûts. Beaucoup même. Synonymes d’une dilapidation de deniers publics. Ce qui explique éventuellement le fait que le Trésor public s’est constitué partie civile dans le procès abordant le scandale de l’autoroute Est-Ouest.
Quelques estimations
Il y a quelques mois, l’ancien ministre des Travaux publics, Farouk Chiali, dans une interview accordée au cabinet londonien Oxford Business Group (OBG) qui édite chaque année le rapport « The Report Algeria », avait indiqué que le pays a dépensé «70 milliards de dollars pendant la dernière décennie, une moyenne de 7 milliards par an», dans le développement des infrastructures routières. Impensable ! Le chiffre donne le tournis. Mais au final, la qualité des travaux laisse à désirer. L’autoroute s’est taillé certainement la part du lion dans cette cagnotte. Outre Abderrahmane Mebtoul, d’autres experts se sont également élancés dans des estimations du coût réel du projet. Le coût d’un kilomètre de cette autoroute aurait coûté, selon certaines évaluations, un peut plus de 9 millions de dollar pour le kilomètre, ce qui serait au-dessus même des exigences normatives connues en matière du coût de revient sur l’échelle internationale.
Il faut juste signaler au passage que ce coût provisoire n’intègre point les équipements annexes prévus, à savoir 42 stations-service, 76 aires de repos (motels, aires de stationnement, aires de jeux…), 57 gares de péage, 70 échangeurs, etc. Résultats des calculs, le coût du projet de l’autoroute Est-Ouest demeure une grosse intrigue, voire une équation à plusieurs inconnues, dont la résolution nécessite la connaissance des différentes variables.
Du mode de financement
Pour bon nombre de spécialistes, les surcoûts sont générés surtout par des études non maturées à la base. Les surcoûts seraient estimés entre 10 à 20% du coût initial du projet selon ces mêmes experts. Les contrats additionnels négociés par le maître d’ouvrage avec les sociétés de réalisation ont alourdi davantage la facture. Mais en amont déjà, l’on reproche aux instances en charge de la conception du projet et du montage financier le fait de recourir à un mode de financement qui favorise les surcoûts ; à savoir le financement direct du projet au détriment d’un mode connu universellement qui est le BOT (Bild, Operate and Transfert). A travers cette formule de financement, l’Etat ne débourse le moindre sou.
C’est plutôt l’entreprise de réalisation qui se charge de la gestion de son planning et de ses engagements financiers pour qu’elle soit, au final, rémunérée sur la base du respect des engagements contractuels en matière des délais de réalisation, de la qualité de l’ouvrage… Mais tout n’est pas encore connu de cette affaire dite de l’autoroute Est-Ouest. Une chose est sûre, la mauvaise qualité de l’ouvrage laisse penser qu’il y a eu une exagération dans l’estimation des travaux réalisés.