Élimination de la Coupe du monde 2018 : pour Antar Yahia, «l’Algérie a préparé son échec»
Ancien capitaine de la sélection algérienne, Antar Yahia est revenu sur l’élimination de son pays pour la Coupe du monde 2018. Désormais directeur sportif d’Orléans en Ligue 2, celui qui a qualifié les Fennecs au Mondial 2010 nous éclaire sur le fiasco algérien.
«Une CAN 2017 catastrophique, un parcours au Mondial 2018 indigne : depuis 2014, comment l’Algérie a pu tomber aussi bas ?
C’est effectivement une énorme déception. On est sorti d’une belle Coupe du monde 2014. Vahid Halilhodzic avait fait du bon boulot. Il fallait rester mesuré parce que nous n’avions remporté qu’un seul match. C’est vrai de belle manière face à la Corée du Sud (3-1), tout en combattant avec talent en huitième de finale face aux Allemands (1-2 a.p.). On n’a pas su surfer sur la vague. C’est incompréhensible.
Les joueurs sont-ils les grands responsables du crash algérien ?
C’est toujours difficile de pointer spécifiquement quelqu’un. Il y a évidemment une responsabilité globale. Comment peut-on faire passer un message lorsqu’on voit cinq coaches se succéder en 17 mois ? Avec des sélectionneurs qui arrivent en cours de qualification : l’Algérie a clairement préparé son échec.
«De la solidarité, il n’y en a quasiment plus»
Et notamment avec un Serbe (Milovan Rajevac) ou un Espagnol (Lucas Alcaraz) à sa tête : l’Algérie a fait le choix d’entraîneurs non francophones…
C’est aussi un élément important. Les Algériens qu’ils soient en Chine, au Canada ou ailleurs, parlent et comprennent le Français. C’est déjà difficile parfois de se faire comprendre, imaginez lorsqu’il a un traducteur au milieu, je pense qu’en terme « d’émotions », ce n’est pas l’idéal. Le football, c’est aussi beaucoup une question de communication.
Au niveau du terrain, qu’est ce qui a manqué ?
Face à la Zambie (3-1) le 31 août dernier, j’ai surtout relevé la première mi-temps assez symptomatiques des faiblesses de l’Algérie. Ce qui est en ressort, c’est un manque criant de solidarité ! Il n’y en a quasiment plus. On n’a plus envie de faire les efforts les uns pour les autres. Vous savez ces mètres que vous allez chercher pour soulager un copain en difficulté. On a failli en terme de détermination.
Seulement ?
Non, il y a un problème dans les transitions de jeu, elles ne sont pas assez rapides. En Afrique, on doit s’adapter, et parfois préférer le jeu plus direct, surtout au niveau offensif.
«On ne doit pas se croire supérieur»
Mais l’Algérie encaisse beaucoup surtout…
Oui, mais ce n’est pas qu’une histoire d’animation défensive. On travaille en bloc, on est collectif avant tout. En somme, on a perdu un certain état d’esprit indispensable pour gagner sur le continent. On ne doit pas se croire supérieur. On est en Afrique, et on doit respecter ses spécificités.
Mehdi Lacen, Madjid Bougherra ou des Antar Yahia ont tous tenu la baraque par le passé. Aujourd’hui, on a l’impression que le manque de leader est criant, non ?
Dans le cas de la sélection actuelle, j’ai plus l’impression d’un manque de maturité. Mais la problématique est plus profonde qu’une affaire de taulier sur le terrain. Car quand l’esprit est là, des joueurs émergent naturellement. Je crois surtout qu’il faut venir avec conviction en sélection. Il y a des situations disparates dans le groupe qui peuvent influer sur l’implication. Ceux qui sont des historiques, d’autres qu’on doit convaincre de venir… Pour moi, la stratégie doit être cohérente. En somme, on doit répondre à des critères de sélection qui sont les mêmes pour tout le monde. L’Algérie ne se négocie pas.»