Mûri depuis près d’une année, le projet de création d’un parti politique, capitalisant l’élan d’adhésion suscité autour de la candidature de Ali Bennflis à la présidentielle, s’est concrétisé, hier, lors des assises constitutives. Toutes les figures de l’opposition politique se sont donné rendez-vous hier matin aux Pins maritimes, à l’est d’Alger, sous le chapiteau en contrebas de l’hôtel Hilton. Des démocrates aux islamistes en passant par les «nationalistes» reconvertis, d’anciens chefs de gouvernement, des militants des droits de l’homme, à leur tête le vétéran Ali Yahia Abdennour. Des personnalités de la société civile, d’anciens hauts gradés de l’armée, dont certains devenus analystes politiques. Tous sous le même chapiteau du «changement démocratique», dans une ambiance conviviale, venus témoigner leur «soutien» à Ali Benflis et ses camarades dans leur nouvelle aventure politique. L’ancien candidat à la présidentielle, visiblement ému de voir ses amis politiques venus en nombre, n’a pas arrêté de serrer, dans de chaleureuses accolades, ses invités d’honneur. «C’est un jour de fête pour la démocratie», lance-t-il avant de filer pour saluer énergiquement le vieux défenseur des droits de l’homme, Ali Yahia Abdennour, assis aux côtés de l’ancien parlementaire Mohand Arezki Ferrad, de l’ancien officier des Services M. Hamlat et de l’éminent universitaire Mohamed Lakhdar Maogal. Karim Tabbou (de l’UDS), au verbe corrosif, est félicité pour son franc-parler politique. Et pendant que les 1600 congressistes – des anciens, pour certains des transfuges du FLN, d’anciens fonctionnaires, des cadres intermédiaires et beaucoup de jeunes – prennent place sous le grand chapiteau dans une organisation presque parfaite et surtout loin du «folklore» de type flnniste, d’autres personnalités nationales continuent d’affluer : Ahmed Benbitour, Mokdad Sifi, Mokrane Aït Larbi, Mustapha Bouchachi, la constitutionnaliste Fatiha Benabou, le général à la retraite Tahar Yala, Mohamed Saïd, Abdelaziz Rahabi, les animateurs du Pôle du changement Bahbouh et Benbaibèche… Dans la bouche de nombre d’entre eux, la polémique suscitée par la lettre de Gaïd Salah et le retour d’Ouyahia. Chacun y va de son analyse. Les présents sont un peu étonnés de voir arriver l’ancien chef de gouvernement Belaïd Abdeslem. Malgré sa santé chancelante, le père de «l’industrie industrialisante», appuyé sur sa canne, a tenu à être au congrès de l’Avant-garde des libertés, lui qui était présent au dernier congrès du FLN. Et c’est Ali Benflis qui va à sa rencontre. Il a droit à un hommage spécial à l’ouverture du congrès. Benflis élu président L’ancien député Haider Bendrihem, aux petits soins avec son sens du contact, s’emploie à mettre à l’aise les invités. «Nous aurions voulu tenir notre congrès à la Coupole Mohamed Boudiaf, à la salle Harcha, mais l’administration nous a opposé un refus inexpliqué. On avait tablé sur 6000 congressistes» regrette-t-il. Le bras droit diplomatique de Benflis, l’ancien MAE Ahmed Attaf, est très sollicité. Peu bavard, il lâche tout de même quelques commentaires : «Aujourd’hui, c’est le début d’un processus qui vise la modernisation politique et la rénovation économique. Nous portons un vrai projet de société, capable de sortir le pays des toutes les impasses. Il y a urgence de relégitimation des institutions.» Il en profite pour commenter la visite de François Hollande. «Je me demande qui va s’engager au nom de l’Algérie. Nous n’avons plus un seul centre de décision», s’interroge Attaf, fin connaisseur des rouages de la diplomatie. Alors que les organisateurs attendent l’arrivée de Soufiane Djilali qui doit intervenir à l’ouverture du congrès au nom de la CLTD, les représentants des partis islamistes sont au complet. Le hasard fait qu’ils se retrouvent tous autour d’une même table. Djaballah, Djahid Younsi, Bouguerra Soltani, Abderrazak Makri. Ce dernier, accueilli chaleureusement par ses camarades de la CLTD et d’autres personnalités, salue froidement Soltani. Djaballah se retire discrètement, signe d’un froid entre les «frères». Vers 10h30, tout le monde rejoint la salle du congrès dont la présidence est assurée par Aziz Nasri, ancien président de la Cour suprême. Après la lecture d’un verset coranique, l’hymne national et une minute de silence observée à la mémoire des martyrs et de Djamila Bouazza, vient l’intervention de Djilali suivie de celle de Benbaibèche au nom du Pôle du changement avant de laisser place à Ali Benflis – élu président du parti par les congressistes – qui pose la première pierre de l’Avant-garde des libertés dont le slogan est «Unité, justice et progrès». Un parti qui vient renforcer l’opposition politique.