Un choix calculé sans doute sur la base des enjeux qui lient les deux Etats et le terrorisme qui menace les deux pays. Des dossiers, jugés urgents de part et d’autre, motivent des consultations bilatérales de haut niveau, ce qui explique cette visite officielle, une semaine avant la réunion de la Grande commission mixte algéro-tunisienne prévue le 8 février, coïncidant avec la célébration du 56e anniversaire des événements de Sakiet Sidi Youssef.
Côté tunisien, le sérieux et l’intensité de ces échanges sont vus d’un bon œil. Dans une déclaration à El Watan, Mohsen Marzouk estime que, contrairement à Moncef Marzouki qui, au lendemain son élection, a choisi une destination européenne, Mehdi Jomaa a fait le bon choix pour plusieurs raisons. «D’abord, compte tenu des rapports stratégiques de voisinage que la Tunisie entretient avec l’Algérie depuis Bourguiba ; deuxio, l’impératif d’une entente stratégique autour des enjeux sécuritaires face aux menaces qui guettent aux frontières des deux pays. Dieu merci, l’Algérie est là pour apporter son expérience et ses moyens», souligne l’homme politique et membre fondateur de Nidaa Tounes. Notre interlocuteur n’omet pas de citer la raison économique, puisque pour les Tunisiens, le soutien de l’Algérie est salutaire : «Nous comptons beaucoup sur l’Algérie pour soutenir la Tunisie à passer cette période délicate.»
Ces trois priorités sont confirmées par l’actualité. Le dossier sécuritaire et, accessoirement, celui des trafics transfrontaliers sont en tête des préoccupations algéro-tunisiennes. Le général-major Ahmed Boustila, commandant en chef de la Gendarmerie nationale, vient de rentrer d’une visite d’une semaine en Tunisie, où il a été l’invité de son homologue Mounir Ksiksi. Selon l’agence tunisienne d’information (TAP), l’invité algérien a aussi rencontré le ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, avec qui il a eu des entretiens sur la coopération et l’échange d’expertises dans le domaine de la sûreté ainsi que la protection de la frontière contre le terrorisme et le trafic illicite.
Vulnérable, la Tunisie est la cible de groupuscules islamistes, affiliés notamment à Al Qaîda, qui tentent de créer des maquis djihadistes dans le sud et le sud-ouest du pays et déstabiliser l’Etat. L’instabilité en Libye et la circulation massive d’armes venues de ce pays font peser de sérieuses menaces sur la sécurité de la Tunisie ; des menaces qui semblent dépasser les moyens et les compétences des services de sécurité du pays. Avec l’Algérie, il s’agit surtout d’obtenir des renseignements sur la nature et les déplacements de ces groupes afin de prévoir leur nuisance. En termes économiques, la Tunisie, frappée par une crise sans précédent depuis la révolution de janvier 2011, n’hésite pas à solliciter son voisin algérien pour contracter des prêts et trouver des solutions. D’ailleurs, un accord commercial préférentiel entre les deux pays entrera en vigueur dans les prochaines semaines.