Le tajine, plat de cuisson traditionnel en terre cuite, dont la production artisanale dรฉcline, mรชme si cet ustensile est toujours de sortie lorsquโarrive le mois sacrรฉ de Ramadhan, est un patrimoine matรฉriel berbรจre dont lโorigine remonterait ร 3.000 ans.
Selon plusieurs historiens dont Abderrahmane Kraรฏmia, chercheur ร lโuniversitรฉ dโOum El Bouaghi, cette hypothรจse est confortรฉe par la dรฉcouverte de fragments de tajines prรจs de la localitรฉ de Sigus, dans la wilaya dโOum El Bouaghi, oรน une vaste nรฉcropole mรฉgalithique remontant ร lโรจre protohistorique (phase que lโon situe entre la prรฉhistoire et lโhistoire) a รฉtรฉ mise au jour.
Selon M. Kraรฏmia, spรฉcialiste des questions historiques, Tarik Ibn Ziad, cรฉlรจbre conquรฉrant de lโAndalousie, avait emportรฉ pour son armรฉe une importante quantitรฉ de tajines que les femmes engagรฉes dans les expรฉditions utilisaient pour prรฉparer la Kesra (galette de semoule) pour les soldats.
Peu de choses ร voir avec le tajine de lโouest du Maghreb
Les tajines utilisรฉs depuis des temps immรฉmoriaux dans la partie orientale du Maghreb ont cependant peu de choses ร voir avec le tajine selon lโacception des habitants de lโouest de lโAfrique du Nord, dโOran jusquโau Maroc en passant par Tlemcen. En effet, le terme tadjine dรฉsigne, dans ces rรฉgions, une prรฉparation culinaire plutรดt quโun ustensile.
Pour revenir au plat de terre cuite algรฉrien, servant ร cuire la galette, la rรฉgion du Hodna est connue pour la production de tajines semblables ร ceux des rรฉgions des Hauts plateaux et de Kabylie qui prรฉsentent la caractรฉristique dโรชtre plus รฉpais que ceux produits dans les Aurรจs. La raison serait, de lโavis de tenants de cet artisanat, que dans le Hodna, lโon utilise, pour la cuisson, la braise qui dรฉgage davantage de chaleur que le bois utilisรฉ dans la rรฉgion plus boisรฉe des Aurรจs.
Les artisanes des Aurรจs dotent leurs tajines dโanses permettant de les saisir et de les soulever plus facilement tandis quโailleurs les tajines en sont dรฉpourvus et les mรฉnagรจres doivent utiliser des รฉtoffes pour pouvoir les saisir lorsquโils sont sur le feu.
La premiรจre รฉtape dans la fabrication des tajines est le choix de la terre argileuse noire qui doit รชtre exempte dโimpuretรฉs pour garantir la compacitรฉ de lโustensile et lui donner une couleur rouge brique aprรจs son passage au four. La seconde est le pรฉtrissage de lโargile que les artisanes exรฉcutent avec une quantitรฉ dโeau qui doit รชtre, explique Kaรฏma, une septuagรฉnaire chaouie, ยซย suffisante pour rendre la pรขte tout juste mallรฉableย ยป. Lorsquโil y a excรฉdent dโeau, les artisanes sโempressent de broyer un vieux tajine pour raffermir de nouveau la pรขte.
Le Mโserrah et le Bouhaba
Les potiรจres commencent dโabord par former la base circulaire du tajine puis dressent ses parois tout autour. Lโintรฉrieur est ensuite poli avec une simple coquille dโescargot ou une pierre de silex.
Lorsque les tajines sont secs, ils sont renversรฉs et placรฉs dans un grand feu. Cโest alors que leur couleur vire du noir au rouge brique. Le tajine dont la surface intรฉrieure de cuisson est polie est appelรฉ Mโserrah (sans aspรฉritรฉs).
Celui dont lโintรฉrieur est hรฉrissรฉ est nommรฉ Bouhebba, ou Ferrah dans certaines rรฉgions du pays. Cโest dans le tajine Bouhebba quโest prรฉparรฉe la Kesra khemira (galette ร la levure), รฉgalement appelรฉe ยซย Matloueย ยป.
Lโapparition sur le marchรฉ de tajines en mรฉtal de diverses formes nโa pas rรฉussi ร dรฉtrรดner le tajine de terre que les aurรฉssiens nomment ยซย Fanย ยป et les kabyles ยซย Idhajineย ยป. La raison en est la qualitรฉ de la galette qui sort de lโun et de lโautre. Et lร , force est de constater quโil nโy a pas photo !.