Rouh Telaâb Biîd toi-même ! | |
Par Hakim Laâlam Email : hlaalam@gmail.com |
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France. Ça y est ! Jean-Marie Le Pen vient de publier sa déclaration de patrimoine :
Une baignoire, deux fils bleu et rouge, Ainsi donc, visiblement contrarié par une question de journaliste, Amar Tou, le ministre des transports millimétrés, a répondu : «Rouh Telaâb Biîd». Ce qui une fois traduit en français donne à peu près ceci : «Va jouer plus loin !» J’avoue que cette phrase me laisse un peu sur ma faim. Plus loin ? C’est-à-dire ? Plus loin que les 7,4 km de tramway pondus jusque-là par césarienne ? Plus loin qu’un guichet de métro fermé, parce que c’est vendredi, heure de la grande prière ? Plus loin que l’Arlésienne du permis à points ? Plus loin que les corbillards vendus en Algérie, et donc homologués comme véhicules conformes ? Plus loin que l’état repoussant de beaucoup de gares routières et aéroports du pays ? Plus loin que les stations de bus devenues des coupe-gorges ? Plus loin que ces microbus assassins qui sèment la mort et le deuil aux quatre coins de l’Algérie ? Il faut que le ministre nous précise où les journalistes doivent aller jouer. A défaut d’avoir laissé un souvenir impérissable dans les différents ministères qu’il a eu à mal-diriger – j’ai encore en mémoire son passage à la santé et l’état fortement métastasé dans lequel il a laissé ce secteur – qu’au moins Si Amar précise sa pensée lorsqu’il beugle «va jouer plus loin !». Un ministre sans relief, sauf celui du langage de charretier peut cacher un bon topographe, des fois ! L’Algérie n’aura définitivement pas gagné un gestionnaire de maroquin, peut-être aura-t-elle la chance d’avoir sous la main un métreur-vérificateur de génie. Va savoir ! En vérité, ce «va jouer plus loin !», ce «Rouh Telaâb Biîd» révèle le besoin maladif chez nombre de nos «dirigeants» de se ménager un sas anti-intrusion dérangeante, un espace blindé les préservant du monde des gueux et de leurs porte-voix, les journalistes. Il y a plus que du dédain dans ce «va jouer plus loin !». Il y a de l’apartheid, au sens d’une caste hors de portée qui maintient aux limites du domaine sacré la plèbe confinée dans des bantoustans et des township nauséabonds. Dans ce «Rouh Telaâb Biîd», il y a la signification violente de deux espaces impossibles à réunir. Celui du pouvoir brutal, arrogant et stratosphérique et celui de la vallée d’en bas interdite d’assomption, sous quelque forme que ce soit, même celle d’une banale question de journaliste. Et puis, par-dessus tout, derrière ce «va jouer plus loin», il y a cette sensation d’impunité sûrement jouissive pour celui qui prononce cette phrase, le sentiment de n’avoir finalement de compte à rendre à personne. Je suis ! Tu n’es rien ! Donc va jouer plus loin. Rouh Telaâb Biîd ! Sauf que pour avoir vécu Octobre 88, et avant, les évènements de 85, et avant, les évènements de 80, j’ai encore en mémoire des jeunes qui ont chanté le même air aux oreilles de ministres abasourdis, sidérés, blêmes et tremblants de tous leurs membres de se voir éjectés de leurs ministères par des gueux en colère. Rouh Telaâb Biîd ! C’est une sentence dont les puissants n’ont pas le monopole. Heureusement ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue. lesoirdalgerie |