A l’approche des périodes d’examen de fin d’année scolaire (BAC, BEM et 6e), notamment la cadence des révisions s’accélère et les élèves recourent de plus en plus aux cours particuliers. Le phénomène prend des proportions dont les conséquences néfastes sont réelles et les parents consentent de gros sacrifices au vu des tarifs exorbitants pratiqués par certains enseignants.
Cours particuliers à domicile ou cours intensifs en groupe en cette période cruciale ; deux méthodes complémentaires qui permettent à nos élèves de travailler une matière ou une autre en profondeur.
Les parents d’élèves, n’ont pas le choix et vivent au rythme du marché très lucratif des révisions. Ils sont très nombreux à avoir recours à ces cours coûteux, mais sont-ils vraiment efficaces ?
Ces cours «informels» sont dispensés, selon certains parents, pour pallier des difficultés scolaires que rencontre leur progéniture à l’école, ou seulement pour la préparation des examens notamment celui du baccalauréat. Ou tout simplement pour améliorer leur performance scolaire pour les autres niveaux scolaires.
Un nombre important d’élèves de différents établissements scolaires d’Alger, toutes filières confondues, ont mis en avant l’importance de ces cours de soutien soulignant que «la charge» des programmes scolaires, ne favorisent pas une bonne assimilation des contenus.
En fin de journée ou durant les week-ends, deux à trois fois par semaine, des enseignants donnent des séances de rattrapage payantes aux élèves intéressés, afin de les aider à se perfectionner en prévision des examens de fin d’année. Pour cela, le pédagogue loue un garage ou une cave en ville où il officie clandestinement. Ce phénomène, qui passe aujourd’hui pour une mode bien établie parmi les lycéens et les collégiens, dure depuis une dizaine d’année.
Le département Benghabrit a procédé en 2015, à l’installation d’un groupe de travail, afin de dégager des solutions pragmatiques et mettre fin à ce phénomène et à cette pratique , qui a touché tous les cycles de l’Education nationale, de l’avis du ministère de tutelle et qui «influe négativement sur l’égalité des chances entre les élèves et porte atteinte aux principes de l’Algérien en matière d’éducation, de savoir et d’obligation de la gratuité de l’enseignement». Ce groupe de travail a été destiné à définir les mesures à prendre à court et moyen terme…
Afin d’éviter l’échec
En attendant les élèves et leurs parents continuent à recourir à cette pratique plus que jamais. Entre un volume horaire consistant et un programme jugé trop «varié», même par les enseignants, la seule échappatoire pour assurer un cursus réussi est sans conteste le recours aux cours de soutien, dispensés hors des écoles. C’est la seule solution qui puisse garantir un passage en classe supérieure, notamment dans les deux paliers scolaires, estiment des parents d’élèves. La majorité des écoles dispensent aux élèves des cours de rattrapage. Toutefois, le volume horaire consacré à cette frange de scolarisés, dont la compréhension nécessite un plus d’effort, reste insuffisant. «Le soutien se fait une fois par semaine, mais mon enfant cumule toujours des faiblesses. Cela dit, je ne remets pas en cause le travail qu’effectue son enseignant, lui-même dépassé par le nombre important de places pédagogiques qu’on lui soumet…», commentera une autre parente d’élève, qui a pris le chemin des cours extrascolaires. Autrement dit, de l’enseignement «clandestin». Ce dernier est implanté un peu partout dans à Alger. Dans des garages, dans des «caves» aménagées pour la circonstance. Et ce sont pratiquement les instituteurs et enseignants exerçant dans les établissements publics qui s’adonnent à cette pratique commerciale sous le couvert «éducatif et pédagogique». Au niveau des différents locaux les élèves s’entraînent sur des sujets et des exercices, jusqu’à ce qu’ils comprennent les leçons des matières à haut coefficients. Pour la plupart d’entre eux, il s’agit de rattraper le retard causé par l’absence de pédagogie chez certains enseignants. « J’ai raté complètement les matières scientifiques, notamment les maths et la physique chimie. Je n’arrive pas à suivre chez mes profs du lycée. Le courant ne passe pas. Ce qui m’a poussé à prendre des cours supplémentaires, et ça marche », souligne Nourredine du lycée Hamia.
Mais pour la plupart d’entre eux, ce sont de bons élèves qui veulent encore faire mieux. «Je travaille pour la mention au Bac et la préparation des concours qui sont assez durs pour une éventuelle inscription dans les écoles nationales», lance Nadia, une autre candidate au Bac série mathématiques. La prise de cours particuliers est en premier lieu une aide à la scolarité de l’adolescent pour lui faire éviter un échec dans une matière ou éviter un redoublement voire une réorientation dans certaines filières. Mais pour une partie des jeunes, il ne s’agit pas d’éviter un échec, mais d’améliorer ses résultats, même si ceux-ci ne sont pas insuffisants.
Réussite scolaire oblige!
Il s’agit d’être encore meilleur, en recevant une aide extérieure privée, pour augmenter ses notes, accéder à une filière plus exigeante, à une bonne école, etc. Il faut se surpasser. Cette compétition, peut être inconscient, fait également exploser le marché des cours particuliers, puisqu’il ne s’agit plus de combler les lacunes d’un système scolaire qui ne parvient pas à éviter l’échec de l’adolescent, mais d’y être plus compétent encore.
Le sur mesure peut aller jusqu’aux cours particulier et là, c’est le prof qui se déplace à domicile. Tania du lycée Omar-Racim, filière sciences, son pire cauchemar demeure les mathématiques. «Les cours supplémentaires à domicile, me permettent de revoir mes erreurs et m’entraînent à terminer à temps tout en étant vigilant aux questions pièges», relève-telle. Sa mère a accepté de payer 3.500 DA la séance depuis le deuxième trimestre et ça marche «je vois le comportement de ma fille qui a changé. Elle commence à se familiariser avec la matière et travaille à l’aise ses exercices. Sur le bulletin du deuxième trimestre elle a eu une moyenne appréciable en maths, la matière qu’elle toujours appréhendée», soutient-elle. De nombreux parents d’élèves offrent durant les deux derniers mois de chaque année scolaire des cours de soutien à leurs enfants candidats au baccalauréat, au BEM et même à la 6e, malgré les séances de perfectionnement prévues par le ministère de l’Éducation au sein des établissements scolaires. Hocine, n’a pas caché, sa détermination et sa volonté à apporter une aide «financière» en plus du soutien moral et psychologique à ses deux filles Radia et Ryma afin de leur permettre de franchir respectivement les épreuves du Baccalauréat, en leur assurant des cours particuliers «intensifs» dispensés par des enseignants «éminents». Ces cours, a-t-il poursuivi, apportent un «plus» pour mes enfants avant les examens et c’est pour cette raison que je n’ai pas lésiné sur les moyens. Réussite scolaire oblige!
Pour l’enfant les moments de loisirs et de repos sont bafoués et remplacées par une course après les cours. «Toutes les matières sont concernées par cette façon de faire qui a laissé émerger un comportement nuisible dans le secteur. Les élèves nantis n’accordent plus d’importance aux séances collectives dispensées en classe puisque le soir, ils disposent de professeurs particuliers.
Une responsabilité partagée
Ce comportement a son influence sur le reste du groupe et les classes ont fini par devenir une simple escale obligatoire», commente un professeur de français qui a préféré gardé l’anonymat. Voulant avoir son avis sur le thème des cours payants, notre professeur reste catégorique. «Même si de nombreux parents me le demandent, je ne ferai jamais ce travail parce qu’il s’agit d’une histoire de conscience. L’académie, voire le ministère de tutelle doivent offrir les moyens aux professeurs qui font convenablement leur travail et ils sont nombreux», souligne-t-il.
Certains éducateurs qui n’ont de relation avec l’éducation que l’appellation, n’hésitent pas à réduire, telle une peau de chagrin, les leçons et le savoir à dispenser obligatoirement dans le cadre des programmes annuels pour «chasser» et reconvertir les élèves en clients potentiels.
Véritable phénomène de mode ou réelle nécessité, les cours particuliers, qualifiés également d’«enseignement à la carte», constituent une financière assurément importante pour les éducateurs qui ont opté pour cette voie, au demeurant très lucrative. Mais quand ceci se fait au détriment des élèves, avec souvent la bénédiction de parents démissionnaires, ne lésinant pas sur les grosses dépenses pour des cours dispensés parfois dans des… hangars mal éclairés et à l’hygiène douteuse, l’on s’interroge comment un élève éprouvant des difficultés à assimiler le programme dans une classe d’école réglementaire arrive à mieux comprendre dans des conditions inadéquates ?
Il faut dire que dans la plupart des cas se sont les parents qui réclament, ces cours et réservent souvent un budget spécial surtout pour les classes d’examens; les enseignants ne font que répondre à la demande… les couples qui travaillent préfèrent «mettre le paquet» que d’aider leurs enfants à faire leurs devoirs
La responsabilité est donc partagée. Et le choix de faire suivre ou non des cours scolaires reste un acte individuel, personnel et relevant d’une liberté d’agir des parents.
Sarah Sofi