Depuis sa nomination à la tête du secteur, la ministre de l’Education, en dépit de résistances farouches, cumule les acquis. A la jubilation, elle préfère le pragmatisme.
«Le maintien, avec amélioration, du système d’évaluation est nécessaire pour l’heure.»
«C’est la fédération des efforts et la mise à profit de l’intelligence collective des acteurs qui permettent à l’institution éducative de jouer pleinement son rôle.»
Depuis sa nomination à la tête du secteur, la ministre de l’Education, en dépit de résistances farouches, cumule les acquis. A la jubilation, elle préfère le pragmatisme. Même si dans son agenda, très chargé, point de case vide à cocher, Mme Benghebrit a accepté de nous accorder cet entretien. D’importantes questions et problématiques sont passées au peigne fin. L’objectif de sa démarche, précise-t-elle, consiste à «réaliser la promesse de l’éducation : celle de former des citoyens compétents, créatifs, capables de s’insérer dans la vie socioéconomique, ouverts sur le monde et disposés à apprendre tout au long de leur vie.» Eclairage.
Bientôt vous bouclerez vos quatre ans à la tête du département de l’Education. Si cette période était marquée, certes, par des acquis pour le moins irréversibles, des défis aussi nombreux que complexes, attendent une concrétisation. Peut-on aujourd’hui affirmer que le train du système éducatif est bel et bien sur rail ?
Pour prendre la mesure du chemin parcouru, je vous invite à jeter un regard rétrospectif. Souvenez-vous de la situation qui prévalait, dans le secteur de l’Education nationale, à ma prise de fonction, en mai 2014. Le secteur était miné par une instabilité qui est devenue structurelle et chronique, engendrant une désorganisation du temps scolaire et le recours à la «aataba» conduisant à la suppression de savoirs structurants, indispensables pour le profil d’entrée à l’enseignement supérieur. A cette époque, les préoccupations socio-professionnelles avaient pris le dessus sur ce qui est le propre d’un système éducatif, à savoir, la pédagogie. Dans ce contexte empreint de perturbations successives, il était impossible de passer au paradigme de la qualité. Et aujourd’hui, malgré l’existence de certains défis, comme vous les appelez, je me réjouis que le pédagogique est revenu à l’ordre du jour des débats. S’il ne fallait retenir qu’un seul acquis, ça serait sans aucun doute celui-là. Pouvant sembler de l’ordre du chimérique, jadis, nous sommes bel et bien parvenus à créer un climat globalement apaisé avec la signature, le 29 novembre 2015, de la Charte d’éthique du secteur de l’éducation nationale. Aujourd’hui, je peux dire sans prétention que le secteur a retrouvé un climat empreint d’une relative sérénité grâce aux efforts fournis par tous les membres de la communauté éducative et grâce, également, au sens de la responsabilité dont ont fait preuve les syndicats et la collaboration des parents d’élèves que je salue par le biais de cette tribune que vous m’offrez.
Il y a eu, également, et dès 2015, toutes les opérations d’évaluation que nous avons faites, car vous conviendrez avec moi que, sans un bon diagnostic, point de «traitement» efficace. Cela s’est traduit par : Premièrement, l’organisation de la Conférence nationale sur l’évaluation de la mise en œuvre de la réforme de l’école, tenue, les 25 et 26 juillet 2015, sous le haut patronage de Monsieur le Président de la République. 231 recommandations ont sanctionné cette conférence à laquelle ont pris part plus de 1.000 participants. Deuxièmement, l’organisation de deux séminaires régionaux sur l’évaluation des résultats des examens nationaux. Après ce travail d’«audit», il était, pour nous, essentiel de tracer un cadrage stratégique pour le secteur dont le temps de production des améliorations est un temps long, comme vous le savez. Cette vision à long terme a été transcrite dans un livre L’Ecole algérienne : les défis de la qualité, cadrage stratégique 2016-2030. Des exemplaires de l’ouvrage ont commencé à être diffusés à l’ensemble des institutions du pays, aux membres de la communauté éducative, aux partenaires sociaux…
Il s’agit pour nous, aujourd’hui, de consolider le processus de Réforme de l’école, en nous appuyant sur des principes stratégiques que sont : la consultation et la concertation ; la régulation ; la flexibilité ; la responsabilisation ; l’autonomie et l’obligation de résultats.
Nous œuvrons pour la promotion d’un pilotage qui s’appuie sur une vision prospective, formalisé par le plan d’action pluriannuel 2016-2019 que nous avons élaboré. Il s’agit de décliner, à partir des dispositions de la Constitution et de la loi d’orientation qui sont nos référents principaux, nos actions à court, moyen et long termes. Ce plan d’action intègre 8 axes, identifiés comme prioritaires : renforcement de l’équité ; amélioration des apprentissages ; prise en charge des activités périscolaires dans le processus pédagogique ; normalisation et transparence de la gouvernance ; rationalisation de la gestion des ressources humaines ; professionnalisation des personnels par la formation ; renforcement des opérations de soutien à la scolarité ; développement de la médiation et de la négociation.
Mais, il est tout à fait clair, que notre priorité absolue est l’amélioration des pratiques pédagogiques, notamment dans le cycle obligatoire, à travers principalement : la remédiation pédagogique, comme principe opératoire d’amélioration des apprentissages et des pratiques de classe, à toutes les disciplines et à tous les niveaux d’enseignement, tout en intégrant la pédagogie différenciée. Cette action repose d’abord sur l’évaluation diagnostique de l’élève, afin d’orienter les enseignements et les apprentissages à partir des capacités réelles des élèves ; le renforcement de la formation des principaux acteurs de l’acte pédagogique notamment les inspecteurs et les enseignants, particulièrement dans le cadre de la prise en charge des nouveaux programmes scolaires ; le développement des activités périscolaires (théâtre, lecture…) en tant qu’appui aux apprentissages.
Oui, nous pouvons dire que le train du système éducatif est sur rail, car nous avons identifié les difficultés et nous avons dressé une feuille de route pour y remédier, avec l’ensemble des membres de la communauté éducative. Et nous avançons à pas résolus sur ce chemin. Mais, des défis existent toujours et continuerons à exister car l’éducation est un processus dynamique qui interagit avec les mutations sociales que connaît la scène nationale et internationale.
Vous avez, à juste titre, fait du primaire votre cheval de bataille en prenant conscience qu’à ce niveau, le faux pas est interdit. De quel écolier voulez-vous, Madame la ministre ?
Effectivement, nous nous attellerons, durant les prochaines années et dans le cadre de la mise en œuvre du programme de Son Excellence Monsieur le Président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, à conforter les acquis de la Réforme du système éducatif algérien, entamée en 2003. Comment ? En accordant un intérêt particulier au cycle primaire qui prend en charge la moitié des effectifs globaux des élèves et dont les infrastructures représentent près de 71% du parc total des établissements scolaires ; sans compter que c’est au niveau de ce cycle d’enseignement que se structure, chez l’enfant, le mode d’appréhension de l’essentiel des savoirs. Notre volonté est de refonder l’école sur 2 grands points d’appui : les compétences scientifiques, sociales et culturelles que l’élève doit acquérir et l’Algérianité avec une ouverture sur l’autre. Nous œuvrons pour que nos écoliers apprennent, non pas seulement, à devenir des êtres instruits et compétents, mais qu’ils apprennent, également, la référence aux lois, qu’il n’y a pas de droits sans devoirs ; qu’ils apprennent le sens de l’effort, en développant la reconnaissance du mérite pour ceux qui travaillent. Qu’ils apprennent à écouter les autres, être autonomes et responsables. Qu’ils apprennent la collaboration et la coresponsabilité ; que l’apprentissage du vivre et se réaliser ensemble n’est ni automatique, ni évident ; que l’humanité est diverse, que c’est la différence qui est la norme, pour qu’ils soient plus tolérants.
Du moment que l’objectif consiste, à ce niveau, de transmettre à l’élève les fondamentaux de l’enseignement, à savoir lire, écrire et compter, ne pensez-vous pas que sonne l’heure de supprimer ou de revoir le système de notation qui, d’une part, «crée des hiérarchies», pour reprendre la formule chère aux neuroscientifiques ; et de l’autre, engendre une obsession du classement et une pression scolaire démotivante pour les élèves faibles ?
Votre question m’amène à parler de deux préoccupations majeures pour le secteur, deux problématiques qui sont intimement liées : remédiation et évaluation pédagogiques. En matière de remédiation pédagogique, nous avons, dans une 1re phase, organisé deux séminaires régionaux sur l’évaluation des résultats des examens nationaux, pour une mise à niveau des wilayas dont le rendement scolaire est en-dessous de la moyenne nationale. Ces deux séminaires ont été sanctionnés par des projets de wilayas, élaborés par les praticiens eux-mêmes.
Dans une 2e phase, et afin de donner une dimension opérationnelle à cette démarche, nous avons, tout de suite après, lancé une étude pour recenser les erreurs les plus récurrentes, que commettent les candidats aux examens nationaux. L’objectif étant de faciliter, pour les enseignants, la prise en charge ciblée des difficultés rencontrées par les apprenants dans la maîtrise des langages fondamentaux (arabe, mathématiques et 1re langue étrangère). La 3e phase a consisté à présenter, en octobre 2016, les résultats de cette enquête, lors d’une journée d’étude, organisée, à Blida, en présence des différents acteurs, dont les partenaires sociaux. La phase ultime de ce processus consistait en la mise en place d’un protocole opérationnel pour les inspecteurs qui ont pour mission d’accompagner et de former les enseignants pour une meilleure prise en charge des difficultés d’apprentissage chez l’élève et partant, définir une véritable stratégie nationale de remédiation pédagogique, c’était lors d’un atelier national, tenu à Biskra, en février 2017. Il s’agissait de proposer des solutions didactiques particulièrement, dans les langages fondamentaux notamment, les domaines de la langue arabe et des mathématiques. Vous l’aurez, sans doute, remarqué, nous nous sommes inscrits dans une démarche systémique qui propose des solutions profondes et pérennes et non conjoncturelles, et c’est la raison pour laquelle d’ailleurs, que nous avons, par la suite, lancé une concertation nationale sur les dispositifs de l’évaluation pédagogique, étant entendu que nous ne pouvons parler de remédiation sans évaluation des acquis des élèves. Remédiation et évaluation formative sont, en effet, intimement liées. Une évaluation juste est la première condition pour une bonne remédiation.
En matière d’évaluation pédagogique, donc, l’approche, qui a été choisie repose sur deux dimensions, l’une quantitative, l’autre qualitative. En premier lieu, nous avons lancé une vaste consultation. Nous avons, ainsi, sollicité la contribution des premiers concernés par l’acte pédagogique, à savoir les enseignants des cycles Primaire et Moyen, qui ont montré un réel engouement, en répondant à plus de 95% d’entre eux, au questionnaire sur le système d’évaluation pédagogique. Nous leur avons transmis le questionnaire directement sur la plate-forme numérique que nous vous avons présentée le 17 avril 2017. Ce questionnaire, qui constitue la 1re phase de notre démarche, a permis aux enseignants de décrire les pratiques d’évaluation en classe et de donner leurs avis sur le système d’évaluation actuellement en vigueur. Un système d’évaluation qui met, malheureusement, de très nombreux élèves en situation d’échec, pour une raison toute simple : l’évaluation d’une seule compétence, celle de la mémorisation.
Dans une 2e phase, nous avons ouvert un débat franc et direct sur les dispositifs d’évaluation des enseignants, d’abord dans les établissements scolaires, puis l’échange avec les inspecteurs, accompagnés par les COGSP, au niveau des circonscriptions. L’engouement et l’engagement affichés dans le débat sur un sujet décisif, nous ont révélé que c’était un débat attendu.
L’enthousiasme exprimé est extrêmement révélateur d’abord, d’un besoin, celui de donner un point de vue, de dire son expérience mais aussi, d’exprimer une insatisfaction, partagée avec les parents, sur le système d’évaluation pédagogique. Bien qu’il ait besoin d’être rénové pour prendre en charge les intelligences multiples de l’apprenant, le maintien avec amélioration du système d’évaluation est nécessaire, pour l’heure, car il permet à l’élève de se situer par rapport aux apprentissages, et à l’enseignant de disposer d’outils à même de l’aider à mettre au point des stratégies pour atteindre ses objectifs en matière d’enseignement-apprentissage.
Quelle évaluation faites-vous des programmes pédagogiques dits de 2e génération ?
La réécriture des programmes du cycle fondamental (primaire et moyen) a été pilotée par la Commission nationale des programmes ; une instance qui existe depuis 1998. Cette opération a démarré en 2009 avec la rédaction d’un référentiel des programmes puis un programme de réécriture en 2015. Sur la base des recommandations des deux conférences nationales sur l’évaluation de la réforme de l’école en juillet 2014 et 2015, il a été procédé à plusieurs recentrages à dominante pédagogique et à portée qualitative : la priorité au cycle primaire, en tant que phase déterminante de structuration des premiers apprentissages de l’élève, la centration sur les langages fondamentaux : arabe, mathématiques, langues étrangères, une conception et élaboration des manuels scolaires par palier et non par année. Dans le cycle primaire, il y a trois paliers.
La politique de l’édition scolaire a connu une véritable mutation : nous avons appliqué les dispositions contenues dans la Loi d’orientation sur l’éducation (2008), en ouvrant, le marché du manuel scolaire, aux compétences éditoriales nationales. Des cahiers des charges ont été élaborés, des protocoles d’évaluation, d’expertise et d’homologation ont été mis en place, des instances d’agrément ont été installées, le tout adossé à des grilles (critères et indicateurs) d’évaluation conçues par des experts en la matière : des universitaires et des professionnels de l’éducation. Nous participons de manière lente mais sûre à l’émergence d’un véritable marché de l’édition scolaire, en y injectant de la qualité, de la concurrence entre éditeurs en contribuant à la formation des concepteurs, mais aussi en s’assurant de la transparence et de l’équité, pour atteindre à terme une meilleure professionnalisation de ce segment de l’économie nationale.
Les objectifs ont été explicites : une centration sur l’Algérianité (espace, histoire, patrimoine, littérature), sur des approches qualitatives portant plus sur les processus que les résultats. On a donné des instructions fermes en matière de prépondérance des textes d’auteurs algériens dans les manuels de langues, toutes périodes confondues (antiquité, moyen-âge, période contemporaine)…Les élèves algériens se familiarisent actuellement avec des noms comme Dib, Feraoun, Maïssa Bey, Réda Houhou, Si Mohand Oumhand, Frantz Fanon, Boulifa, Zhor Ounissi, Mihoubi… Les anthologies littéraires scolaires au nombre de six : en arabe, en tamazight, en français verront des noms de Amin Zaoui, Rabah Khadoussi, Mohamed Sari, Brahim Tazaghart, Mohamed Lakhdar Essayihi, Amar Azradj, Bagtach, Kacimi, Rabéa Djalti, Yamina Mechakra, Ouassini, Kateb Yacine…Et la liste est ouverte, car c’est le premier tome.
Les noms des personnages centraux dans les dialogues portent des noms amazighs, bien de chez nous : Massinissa, Tanina, Idir…Les séquences d’apprentissage ont comme cadre d’expression social et festif Yennayer, Mawlid Ennabaoui… Les créateurs, les personnages, les lieux, les périodes, les événements de l’histoire d’une nation font partie du socle commun des références basiques d’un pays.
Notre préoccupation centrale était et est toujours de mettre entre les mains des élèves des supports de qualité. Objectivement parlant, il y a une nette amélioration dans ce domaine, que ce soit dans les contenus que dans les formats. La démarche consensuelle a été porteuse de résultats : des institutions ont été sollicitées pour des contenus précis : le ministère des Affaires religieuses, le ministère de la Culture, le ministère des Moudjahidines, le Haut conseil islamique, le Haut commissariat à l’amazighité, l’Institut national de cartographie et de télédétection pour les cartes et documents cartographiques… Il faut souligner également la contribution volontaire et combien généreuse des intellectuels, des spécialistes en histoire, en géographique, en sciences de l’éducation, ainsi que des écrivains chaque fois que nous les sollicitons dans l’intérêt de l’école et des élèves.
L’école fait aujourd’hui l’objet de tous les espoirs mais aussi de toutes les exigences. Epanouissement de l’enfant, sa formation et éducation, rôle préventif à jouer pour lutter contre tous les fléaux sociaux… ne craignez-vous pas que trop de missions, ne tue la mission ?
Effectivement, nombreuses sont les attentes de la société vis-à-vis de l’école. Cette posture de la société bien qu’elle ait des aspects positifs, elle s’accompagne parfois d’autres aspects plus au moins négatifs. J’entends par aspects positifs, l’existence, dans la société, d’une forte conscience de l’importance stratégique que revêt l’éducation pour l’avenir, même si elle est bien souvent chargée de frustrations si les études ne sont pas entièrement accomplies ou pas très bien réussies. Aujourd’hui, les parents attendent de leurs enfants non pas seulement qu’ils suivent des études mais qu’ils réussissent, avec brio, ces études ce qui génère énormément de stress chez les apprenants. Plus d’un siècle de colonisation, où l’accès à la scolarisation et aux études était exclu à l’écrasante majorité de notre population, a laissé des traces indélébiles dans l’imaginaire collectif même après plus d’un demi-siècle du recouvrement de la souveraineté nationale. Quand nous avons été privés d’éducation pendant tant d’années de colonisation, nous saisissons à sa juste mesure tout le sens que revêt instruction et savoir. Mais parfois, trop d’attentes peut avoir des effets négatifs. Certains parents, aujourd’hui, ne se rendent pas compte du danger à déléguer en totalité des missions que l’école ne peut – de toutes les façons – assumer seule. Nous pouvons comprendre le désarroi de certains parents qui veulent bien faire mais ne savent pas forcément comment. Mais, attendre tout de l’école est-il la solution ?
Nous sommes conscients que la société connait des transformations en profondeur, exacerbées par l’utilisation massive et à outrance, des TIC. Face à de tels bouleversements, les parents sont déstabilisés et nous les comprenons. Ils consentent beaucoup de sacrifices.
Mais, ont-ils simplement conscience que par la pression exercée quotidiennement, ils privent leurs enfants de leur enfance, de leur jeunesse. En réalité, les missions de l’école et des familles se complètent mais, chacune des deux parties a son rôle à jouer.
En évoquant les phénomènes sociaux, davantage nombreux, de plus en plus menaçants, on ne peut ne pas citer la violence en milieu scolaire. Est-elle selon vous importée dans l’école, ou spécifique à l’institution scolaire ? Où en êtes- vous avec votre stratégie de lutte contre ce phénomène ?
La violence est, depuis quelques années, une préoccupation réelle dans toutes les sociétés du monde, et l’Algérie, malheureusement, n’est pas en reste. Des actes de violence sont signalés : dans les quartiers, dans la rue, au sein des familles… Je saisi, d’ailleurs, l’opportunité que vous m’offrez pour saluer le travail accompli par les journalistes afin de rendre ce phénomène plus visible. Mais, si ce travail d’information permet de maintenir un niveau d’alerte et une prise de conscience de la société, il peut, parfois, générer de la peur, du stress ou une angoisse chez des parents voire chez des élèves.
La violence à l’école revêt différentes formes : l’agressivité, l’incivilité, la violence verbale, la violence physique, le conflit… Elle révèle parfois, à travers le passage à l’acte, un appel de détresse. Le MEN avait déjà pris, par le passé, une série de mesures d’ordre organisationnel et pédagogique pour faire face à ce problème. Mais face à l’apparition de nouvelles formes de violence et de fléaux sociaux qui commencent à déteindre d’une manière inquiétante sur l’école et son environnement immédiat, il était nécessaire pour nous de réfléchir à mettre en place des mécanismes nouveaux et opérationnels de lutte contre le phénomène, mais surtout de prévention dès la fin de l’année 2015.
C’est ainsi, qu’un groupe de travail, associant les partenaires sociaux, a été installé. Ce groupe de travail a présenté ses recommandations, lors de la journée d’étude organisée sous le slogan «pour une école protectrice, inclusive, de qualité et de non-violence», en novembre 2015. Par la suite, et dans le cadre de la mise en œuvre de l’une de ces recommandations, une commission mixte MEN-DGSN a été installée afin d’élaborer une convention-cadre qui propose un plan de lutte intentionnel contre le phénomène.
Considérant la récurrence de certaines formes de violence et l’apparition de certains fléaux et face aux dangers du monde virtuel, les services de la gendarmerie se sont associés à la démarche afin que la prise en charge soit globale et efficace.
Ces efforts se sont poursuivis en 2016 par la tenue d’une journée d’étude sur : «La violence en milieu scolaire : Etat des lieux et mécanismes de prévention», conjointement organisée par l’Observatoire national de l’éducation et de la formation et l’Institut national de recherche en éducation. S’ajoute notamment la signature, avec le ministère de la Défense nationale et le Ministère de l’Intérieur et des collectivités locales, d’une convention qui propose des mécanismes d’intervention commune dans le cadre de la sécurisation et la protection de l’école et son environnement immédiat contre tout acte de violence ainsi que la prévention contre les dangers que peuvent présenter certains sites électroniques (internet) par le biais de la formation des enseignants et la sensibilisation des élèves.
Si je me suis permis de rappeler la genèse des actions menées dans le cadre de la prise en charge de la question de la violence, c’est pour montrer que notre action est planifiée et systémique. Et en mars 2017, nous avons présenté la stratégie sectorielle de lutte et de prévention contre la violence, y compris la violence contre soi (le suicide). Cette stratégie repose sur deux axes majeurs : des actions de lutte immédiates et concrètes et des actions de fond visant la prévention.
Et pour chacune des deux catégories de mesures, des protocoles ont été élaborés. De l’identification à la prise en charge, en passant par l’information, les mesures préconisées tiennent compte de l’espace où se déroule l’acte : la classe, la cour ou l’environnement immédiat de l’établissement scolaire. L’école est une institution au sein de laquelle les responsabilités des uns et des autres sont identifiées par voie réglementaire. Mais, c’est la fédération des efforts et la mise à profit de l’intelligence collective des acteurs qui permet à l’institution éducative de jouer pleinement son rôle. La signature de la Charte d’éthique du secteur, que nous espérons rendre de plus en plus opérationnelle à l’échelle du local, est l’image même de cette mutualisation des efforts au service des apprenants et pour une école sereine et de qualité.
La démarche adoptée dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la violence en milieu scolaire est d’aller vers la construction d’un climat scolaire propice aux apprentissages car nous sommes conscients que dans un espace où l’élève ne se sent pas bien, il n’est pas dans de bonnes dispositions pour apprendre, et dans ce cas de figure, nous, nous aurions raté, en grande partie, notre mission d’éducation et d’apprentissage.
Un climat scolaire favorable est nécessaire aux élèves pour qu’ils puissent apprendre, aux enseignants pour qu’ils puissent transmettre et faire apprendre, aux responsables pour qu’ils puissent mettre en place une meilleure gestion et aux parents pour qu’ils puissent être rassurés. Aussi, est-il impératif de garantir, dans tous les établissements scolaires, le respect de la réglementation, la sécurité des personnes et des biens, conditions indispensables au bon fonctionnement de l’institution scolaire et à la réussite des élèves. Et c’est dans cette optique que s’inscrivent également les nouvelles dispositions régissant la communauté éducative et le règlement intérieur des établissements scolaires. Une école construite sur les valeurs du respect des règles, du respect de l’autre et du respect de soi, est une condition essentielle pour que puisse se développer les apprentissages et le comportement citoyen.
(A suivre)