Croire que le calme et la sérénité relatifs qui règnent dans notre pays sont chose normale et naturelle est complètement faux. Considérer les agitations enregistrées à certains niveaux des institutions et des organismes de l’Etat comme de simples événements sans conséquence aucune, et qui disparaîtront avec le temps, c’est opter pour la politique de la fuite en avant.
Prétendre bien comprendre ce qui se passe et ce qui risque de se produire chez nous sur le plan politique et social, et penser saisir les aspirations de nos enfants, est un grand leurre.
Nous ne connaissons rien de notre peuple et nous n’avons jamais tenté de comprendre nos enfants, de les écouter et de les accompagner. Nous n’avons jamais essayé de lancer le débat sur des questions nationales majeures, et nous ne possédons pas les mécanismes nous permettant de comprendre ce qui se passe.
En effet, après toute expérience ou catastrophe, nous nous éloignons encore plus de la réalité et nous restons plus déterminés que jamais à avancer à contre-courant.
Ainsi, la communication et la consultation font défaut, l’incertitude est constante, des normes et standards de références crédibles sur les plans historique, religieux, politique, culturel et social sont inexistants, et l’appréciation des besoins de la nation et du citoyen est erronée.
Par conséquent, notre structure sociale s’est fragilisée, un danger imminent nous menace à chaque coup, et un extrémisme pouvant créer un radicalisme dangereux nous guette, quand grandissent les sentiments d’exclusion et de vengeance, de « hogra » et de désespoir…
Pour de nombreux acteurs de la scène politique, l’intérêt de la nation n’est pas une priorité, et le citoyen ou le pays ne signifient rien pour eux. Chacun cherche à maximiser ses propres intérêts, ceux de sa famille, de son clan et de son groupe politique.
Tout le monde aspire au pouvoir, à l’influence et à l’argent, au détriment du peuple et de la patrie, des principes, des valeurs et de la morale. Il suffit d’évaluer la situation de façon très objective, en évoquant les faits et les expériences passées, pour comprendre ce qui se passe dans l’Algérie du troisième millénaire.
Sous-développement et régression, ignorance et manque de prise de conscience des enjeux et des risques, et l’absence totale de perception et d’un projet de société qui nous convient caractérisent l’Algérie d’aujourd’hui.
L’avenir du pays n’est plus notre priorité. Toute notre attention se porte sur le quatrième mandat, à croire qu’il marque la fin du monde, ou sur la révision de la Constitution, comme si l’Algérie rédigeait sa toute première constitution.
Nous sommes tous responsables de cet état de fait. Par nos actions ou nos réactions, par notre silence et notre mutisme. Nous sommes responsables, parce que nous avons fait de mauvais choix, de fausses évaluations et pris les mauvaises décisions, ou parce que nous les avons tout simplement soutenus, ou que nous n’avons rien dit et n’avons pas cherché à les changer.
De ce fait, nous avons atteint le plus haut degré de léthargie, d’apathie et d’égoïsme, et la voix de la raison et de la justice s’est tue, pour laisser place à l’obstination et à la haine.
Comprendre le déséquilibre, la déficience et la carence, implique une prise de mesures appropriées pour corriger la trajectoire, réparer le mal et changer les choses, afin de donner un nouveau souffle à un pays qui a mal.
Lorsque je parle de changement, de réparation et de réforme, je ne parle pas nécessairement de chaos, d’émeutes, de destruction et d’atteinte aux symboles et aux acquis de la nation.
J’entends par là, casser les tabous et en finir avec toutes les mauvaises pratiques et habitudes. Cela signifie vaincre l’indifférence et l’individualisme qui dominent, et faire preuve de fair-play dans la pratique politique et sociale. C’est reconnaître nos erreurs, les corriger et demander des excuses au peuple. C’est aussi appliquer les dispositions de la Constitution et des lois, au lieu de les changer selon les besoins du moment. C’est enfin œuvrer pour installer une justice sociale et accompagner nos pauvres enfants vers un avenir meilleur et un monde ouvert, et une société libre et juste, grâce aux ressources et aux compétences dont regorge le pays.
Faut-il rappeler que le Président finira par partir, tout comme les ministres et les hauts fonctionnaires ? Même les citoyens s’en iront, telle est la loi de la nature.
Quant à l’État, puissant ou faible, il ne doit pas disparaître. La nation doit rester debout pour les générations à venir, car nous lui sommes tous redevables et son intérêt est au-dessus de tout. Celui qui croit que le pays va s’effondrer sans lui, qu’il parte et qu’il laisse le ciel nous tomber sur la tête.
Et celui qui dit détenir la vérité absolue et avoir la capacité de construire le pays, parle d’une utopie. Quant à ceux qui pensent que l’Algérie va dans la bonne direction, ceux-là se mentent à eux-mêmes, et on ne peut, hélas, leur importer un autre peuple, puisqu’ils ne connaissent rien de celui qu’ils ont déjà.