Qu’espère donc Mahfoud Kerbadj en annonçant de nouvelles mesures coercitives contre les équipes dont les supporteurs se seront rendus coupables de violences dans les stades? En quoi ces nouvelles dispositions vont-elles tempérer la colère et la violence qui sommeillent en chaque Algérien, à fortiori des jeunes dont les perspectives d’avenir restent incertaines par des politiques irréfléchies? Bref, que peuvent des mesurettes sportives contre un phénomène social né de l’échec de toutes les politiques menées depuis l’indépendance?
«La violence n’a pas débuté dans les stades. Elle a commencé dans les foyers pour ensuite se propager ailleurs, sous d’autres formes. Quand la violence envers les femmes est banalisée, comment voulez-vous qu’on s’intéresse sérieusement à la lutte contre les autres formes de violence? Le stade n’est, en fait, que le lieu de prolongement de la violence engendrée par plusieurs causes». Le constat, lucide et clair, de la sociologue Nasséra Merah, remet les pendules à l’heure : la violence dans les stades est l’émanation de la mal-vie d’une société au bord de l’asphyxie, dont l’amertume est quotidiennement nourries par les violations et les mensonges : «Chez nous, ce sont plutôt les causes du mal de vivre (chômage, pouvoir d’achat, crise du logement, manque de transport, embouteillages sur les routes, insécurité au son sens large, bureaucratie, manque de moyens de distraction etc.) qui font que le stade devient un véritable défouloir pour certains supporteurs», explique Nasséra Merah pour laquelle la lutte contre la violence doit passer par une politique de lutte contre les fléaux sociaux et l’amélioration de la qualité de vie des Algériens.
Désenchantement
Or, les politiques suivies jusqu’ici ont toujours tendu à «asservir» la majorité des Algériens au profit d’une minorité qui jouit de tous les privilèges avec une scandaleuse ostentation. L’embellie financière -due, non pas à un supposé «Bouteflika béni» mais à un concours de circonstances qui ont fait que son accession au pouvoir a coïncidé avec l’envolée des prix des hydrocarbures- cette embellie qui aurait dû permettre de réfléchir et de mettre en place des stratégies de développement efficaces, a, au contraire, démultiplié les facteurs générateurs de colère chez les Algériens : la corruption s’est outrageusement généralisée, des milliers de nouvelles fortunes aux origines inconnues ont jailli, les affaires scabreuses ont sali la chronique algérienne et, par-dessus tout, l’impunité dont jouissent les auteurs et responsables des scandales politico-financiers alimente la désespérance de ceux qui avaient naïvement cru que la bahbouha allait servir à construire un avenir meilleur.
Futurs incertains
Les incidents qui ont émaillé le match MCA-CRB, en ouverture de la saison 2015-2016, confirment que rien, absolument rien, n’est réglé ni en termes de lutte contre la violence dans les stades ni, plus grave, en matière de prise en charge des besoins et aspirations des Algériens. Le recul inquiétant des cours de pétrole, la mise en veilleuse des projets de développement non encore lancés, le désarroi d’un gouvernement qui, manifestement, continue de naviguer à vue, n’augurent rien de bon pour les années à venir.
Ce que de nombreux spécialistes et observateurs avertis craignaient depuis longtemps est en train de se produire : la période faste s’achève sans que les dirigeants de ce pays n’aient réussi à jeter les jalons d’une économie productrice et créatrice d’emplois.
Par M. Nadir