La sécurité énergétique est de plus en plus importante et la consommation nationale en énergie devrait être plus économe, dès lors «la contrainte de tarif faible pour la consommation finale des ménages, est-elle tenable ?». Il s’agit là de préoccupations majeures qu’ont eues à aborder hier des experts dans le domaine. Invités à prendre part à un Workshop international «Marchés mondiaux de gaz naturel : enjeux ; stratégies d’acteurs et impacts».
Amel Bentolba
Organisé en partenariat avec l’Association algérienne de l’industrie du gaz (AIG) et le Laboratoire de recherche sur les économies euro-méditerranéennes de l’université d’Oran (Lareem), la rencontre a lieu depuis hier au centre des conventions d’Oran et sera clôturée aujourd’hui.
A travers sa communication «Les tendances récentes des marchés gaziers internationaux : quels impacts sur les stratégies algériennes ?» Mustapha Mekidèche, vice-président du Cnes, identifie quatre types d’évolutions récentes (début de la décennie actuelle) mais significatives des marchés gaziers internationaux qui devraient impacter les stratégies gazières algériennes. «Il s’agit d’abord de l’émergence massive de nouveaux acteurs de l’offre sur des marchés traditionnellement acquis sur le long terme par l’Algérie, en Europe du Sud essentiellement mais pas seulement».Il relève également certaines remises en cause qui planent sur les contrats à long terme, quelquefois avant même leur arrivée à échéance, dit-il. Et de faire remarquer «cela a comme conséquence collatérale la montée des marchés spot qui tirent les prix et les tarifs vers le bas». Pour l’intervenant, la forte croissance de la demande nationale du gaz naturel, diminue de façon sensible les capacités nationales à l’export. Le gaz naturel représente 34% de la consommation totale d’énergie, en Algérie, bien au-dessus de la moyenne mondiale (22%). Une demande interne en forte croissance tirée pour le moment par le résiduel».
Une tarification interne qu’il qualifie d’obsolète, qui pousse dit-il au gaspillage des ménages et à un transfert de rentes au profit des industries utilisant des inputs gaziers et énergétivores (pétrochimie, engrais, acier, ciment). Il s’interroge si toutefois «la contrainte de tarif faible pour la consommation finale des ménages est-elle
tenable ? Le tarif faible pour la génération électrique et le dessalement sans pour autant que les groupes Sonelgaz et Sonatrach équilibrent ces deux activités (électricité et eau cédées à des prix trop bas) bute sur la contrainte budgétaire qui est d’actualité (25% perte prix BBL)».
Pour sa part, Abdelmadjid Attar, vice-président de l’AIG, estime que tous les analystes sont d’accord, «quant à l’incertitude sur les perspectives d’évolution d’une récession économique générale dont on n’arrive plus à contrôler ou à prévoir».
L’intervenant estime que «même si les pouvoirs politiques affichent de plus en plus leur volonté d’accorder une place de plus en plus importante aux énergies renouvelables avec 27% à l’horizon 2030, et à l’économie d’énergie à hauteur de 27% au même horizon. Il est utile de demander : cela se fera à quelles conditions et à quel prix ?». Pour Abderrahmane Mebtoul, université d’Oran, «la transition énergétique peut être définie comme le passage d’une civilisation humaine construite sur une énergie essentiellement fossile, polluante, abondante, et peu chère, à une civilisation où l’énergie est renouvelable, rare, chère, et moins polluante ayant pour objectif le remplacement à terme des énergies de stocks (pétrole, charbon, gaz, uranium) par les énergies de flux (éolien, solaire, biomasse). Le pic pourrait selon l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles se situer vers 2015-2025 pour le pétrole, 2025-2045 pour le gaz et 2100 pour le charbon».
Pour cet expert en économie, l’Algérie est face à une problématique de sa sécurité énergétique, et l’urgence d’une transition énergétique raisonnable et maîtrisée, s’insérant dans le cadre global d’une transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux. «Cela suppose, excepté les secteurs stratégiques, de lever la règle des 49-51% inadaptée à toutes les filières et toutes les contraintes bureaucratiques d’environnement qui freinent l’expansion de l’entreprise créatrice de valeur ajoutée», dit-il.
A. B.
Mustapha MEKIDECHE, vice-président du CNES :
«Une augmentation des prix du gaz et de l’électricité est inévitable, mais progressivement»
En marge du Workshop, Mustapha Mekidèche, vice-président du Cnes, a évoqué la nécessité d’envoyer un signal à l’opinion public et à la classe politique, car, dit-il, «il est question de l’avenir de la génération future, il va falloir rentrer maintenant dans un discours de dire que l’énergie a un prix et elle coûte chère et qu’il faut mettre un terme au gaspillage. Il va falloir rationnaliser les prix et diminuer notre consommation. Même sur le plan des tarifs, c’est trop bas, il va falloir bouger, notamment pour le gasoil qu’on importe».
Pour notre interlocuteur qui précise s’exprimer là en tant qu’indépendant et non en tant que représentant du Cnes, «Il faut revoir les prix conventionnés de manière progressive, on se donne cinq à six ans.
Il n’y a pas d’autres moyens, on est dans une économie de marché, c’est la seule variable d’ajustement, aussi budgétaire.»
A une question directe quant à une augmentation des prix du gaz et de l’électricité, il dira «il faut que cela soit revu de façon progressive et je pense que cela est inévitable sinon on va devoir s’endetter. Car à un moment donné, il va falloir financer si les prix restent en l’état et la situation est très préoccupante».
A. B.
Réaction d’Ahmed Mecheraoui, ministère de l’énergie, quant à une éventuelle augmentation des prix DE Gaz et d’électricité :
«La politique du gouvernement est claire et précise : pas d’augmentation»
Pour le représentant du ministère de l’Energie, M. Ahmed Mecheraoui, la politique du ministère de l’Energie est d’assurer la sécurité énergétique du pays qui est une mission principale.
La seconde mission est celle, dit-il, d’exporter pour avoir les moyens de financer. «Les choses évoluent et la consommation augmente, de même que le confort de chacun augmente, nous avons près de quatre ou cinq millions de climatiseurs qu’il faut faire fonctionner ; 40 millions de portables qui ont besoin d’énergie et nous avons un programme de logements qu’il faut également alimenter en énergie et nous avons aussi un parc de véhicules qui augmente… Dans nos analyses, il faudrait que la consommation soit prise en charge par une multiplication de la production et à travers la mise à disposition du marché national de quantité en énergie qu’on compte doubler. Le gouvernement décide d’une politique et le ministère exécute cette politique qui est claire et précise : pas d’augmentation des prix du gaz et de l’électricité.»
A. B.