Si la merveilleuse histoire des petits objets du quotidien vous fascine, alors le cas du coton-tige ne vous laissera pas indifférent. Le Washington Post consacre un article à celui qu’on appelle plus rarement bâtonnet ouaté, qualifié par le journal de «produit le plus déconcertant» vendu aux États-Unis. Bien que les fabricants placent des avertissements explicites sur les boîtes de coton-tige depuis des décennies pour décourager cette pratique, les gens ne peuvent s’empêcher de l’introduire dans leur conduit auditif, ce qui crée des bouchons et peut causer une perte d’audition.
Appliquer du maquillage, du verni à ongles, laver un bébé ou même utiliser le coton-tige pour faire le ménage, tout cela est bienvenue à l’exception donc de l’usage principal qu’on continue à en faire. Inventé au début du XXe siècle par un certain Leo Gerstenzang pour les soins de son jeune enfant, il a été rapidement utilisé par les adultes, et le marketing du coton-tige a suivi, présenté comme le petit objet sain et sûr pour nettoyer l’intérieur des oreilles. Il prend le nom anglais de «Q-tips» (ou bâton de qualité), aujourd’hui possédé par le groupe Unilever, tout comme «Coton-tige» en France, indiquait un article de La Croix en 2009:
«L’Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi) le confirme, Coton-Tige est une marque déposée par la multinationale Unilever, depuis 1952. Tout le monde avait fini par l’oublier, à tel point que le service juridique d’Unilever France, joint par téléphone, l’ignorait aussi. Les puristes –et les concurrents d’Unilever –doivent donc se contenter de l’appellation “bâtonnet ouaté”; les Canadiens, en toute simplicité, parlent de “tige de coton ouaté”.»
Les retirer du marché?
Mais l’avertissement des fabricants sur le mauvais usage du coton-tige est l’équivalent, moque le Washington Post, d’un paquet de cigarettes sur lequel on encouragerait les fumeurs à les porter à leurs lèvres sans les allumer… Car le petit rituel du coton-tige est plutôt agréable et fonctionnerait à terme comme une addiction.
C’est aussi un bon exemple, note dans l’article une spécialiste de marketing, d’un produit dont l’image de marque est trop ancrée dans la conscience collective pour qu’on parvienne à faire comprendre aux consommateurs qu’ils en font un usage inapproprié depuis toujours. La seule solution: retirer du marché les coton-tige et inventer autre chose. Évidemment hors de question pour un marché qui pèse, aux Etats-Unis, autour de 200 millions de dollars par an.